Une dynamique de croissance enrayée par un environnement régional morose
Après avoir connu une forte reprise et s’être montrée très résiliente suite à la pandémie et la guerre en Ukraine, l’activité économique devrait ralentir en 2024 mais rester supérieure à la moyenne de la zone euro (prévisions Coface à 0,9%). La consommation des ménages devrait être le principal moteur de la croissance grâce à la résilience de leur pouvoir d’achat via une atténuation des pressions inflationnistes, et une hausse continue des salaires. Après avoir accéléré au cours de l’année 2023 avec une moyenne de 3,5% en novembre, contre 2,8% en janvier, les salaires resteront dynamiques en 2024.
Cependant, l’activité sera freinée par l’atonie de la demande extérieure. Alors que l’Espagne a enregistré une année touristique 2023 record, notamment tirée par le retour de la clientèle étrangère, la reprise du secteur devrait logiquement s’atténuer. De plus, les exportations resteront limitées par la faible croissance de ses voisins, puisque 62% de ses exportations sont à destination du reste de l’Union Européenne (68% en ajoutant le Royaume-Uni). En parallèle, les entreprises seront confrontées à des coûts de financement substantiels (5% en moyenne en octobre 2023), dans la mesure où, bien que la BCE entamera probablement un cycle de baisses des taux directeurs en 2024, ceux-ci resteront élevés tout au long de l’année. L’investissement privé sera freiné par cet environnement adverse. Dans ce panorama assombri, l’activité sera toutefois toujours soutenue par les fonds européens avec près de 80 milliards d’euros de subventions et 83 milliards d’euros de prêts pour la période 2021-2026, pour un total équivalent à 12% du PIB. Moins du tiers de ce montant ayant été effectivement versé entre 2021 et 2023, les décaissements devraient nettement s’accélérer entre 2024 et 2026.
Un assainissement des comptes publics progressif
Le budget 2024 - qui devrait être approuvé durant le premier trimestre – devrait confirmer l’assainissement progressif des comptes publics. Ceux-ci resteront toutefois largement déficitaires après s’être fortement dégradés lors de la crise sanitaire puis énergétique. La réduction du déficit résultera principalement du retrait progressif de la majorité des mesures introduites pour limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les ménages (réduction du prix des carburants et des taxes sur le prix de l’électricité). Le nouveau gouvernement a toutefois prolongé la réduction de la TVA sur les produits alimentaires de base jusqu’en juin 2024, ainsi que la gratuité des transports publics pour les personnes au chômage et les jeunes jusqu’à fin 2024. En parallèle, la taxe sur les bénéfices exceptionnels des établissements bancaires et des entreprises énergétiques (3 milliards d’euros de recettes en 2023) sera prolongée jusqu’en 2025. La BCE ayant commencé à réduire son portefeuille d’actifs, en ne réinvestissant pas une partie des obligations arrivant à échéance, le coût de financement augmentera encore un peu plus. De plus, le pays devra faire face au retour des règles budgétaires européennes, bien que le nouvel accord trouvé fin 2023 permettra une trajectoire d’ajustement budgétaire plus souple et progressive. Dans ce contexte, la soutenabilité de la très élevée dette publique sera l’un des enjeux à moyen terme.
Par ailleurs, l’excédent courant affiché par le pays depuis 2013, devrait se réduire en 2024, du fait de la baisse de la demande extérieure. L’important excédent de la balance des services (qui devrait avoisiner les 6% du PIB en 2023) permet de compenser les déficits structurels de la balance des biens, largement imputable à la dépendance énergétique du pays, et de celle des revenus (envois de fonds des diasporas latino-américaines et marocaines vers leurs pays d’origine). Malgré une tendance baissière au cours des dernières années, la dette extérieure nette du pays reste parmi les plus importantes de l’Union européenne (57,4% du PIB au T2 2023).
Instabilité politique accrue par la dépendance de la nouvelle coalition au parti indépendantiste catalan Junts
Le Premier ministre sortant socialiste Pedro Sánchez (PSOE) a réussi à se maintenir au pouvoir malgré sa deuxième place aux élections législatives anticipées durant l’été 2023. Sans majorité absolue (121 sièges sur 350), le parti de gauche était tout de même en meilleure position pour former un gouvernement que le Parti Populaire (droite) de son rival Alberto Núñez Feijóo. Sánchez a donc de nouveau été amené à former une coalition de gouvernement avec son principal allié d'extrême gauche Sumar (31), EH Bildu (6), ERC (7), PNV (5), BNG (1) et la Coalition Canarienne (1). Toutefois, Pedro Sanchez a cette fois également eu besoin du soutien du parti indépendantiste catalan Junts (7) pour atteindre la majorité absolue. Pour cela, Sánchez a défendu l’adoption d’une loi d’amnistie controversée graciant les séparatistes catalans impliqués dans l’organisation d’un référendum d'indépendance en 2017, dont le leader de Junts, Carles Puigdemont, qui s'était depuis exilé en Belgique. Ainsi, bien que le gouvernement de coalition de Sánchez ait été assez stable lors de son dernier mandat, la dépendance du nouveau gouvernement à l’égard des partis indépendantistes catalans et basques pourrait rendre la gouvernance difficile, et accroît le risque d’instabilité politique. Et ce, d’autant plus que Junts a réitéré que son soutien au gouvernement tout au long du mandat serait conditionné à l’organisation d’un référendum d’indépendance, auquel Sanchez reste pour le moment opposé.