La croissance économique ralentie par l’inflation et le resserrement monétaire
En 2022, l’activité économique australienne a encore bénéficié de la forte reprise post pandémique et de termes de l’échange favorables, dans un contexte de prix mondiaux élevés des matières premières. Les tensions sur le marché du travail reflètent la vigueur du rebond économique, alors que le taux de chômage est au plus bas depuis 50 ans. Ce dernier est en effet tombé à 3,4% de la population active en novembre 2022, confrontant l’économie à d’importantes pénuries de main d’œuvre et de compétences. Toutefois, la croissance des salaires est restée modérée (3,1% en glissement annuel au T3 2022), ce qui limite les risques de spirale prix-salaire.
Alors que le marché du travail restera tendu en 2023 (taux de chômage moyen à 4% de la population active), la croissance économique australienne devrait ralentir. En effet, son principal moteur, la consommation privée (53% du PIB), sera contrainte par le niveau encore élevé de l’inflation, à l’origine d’une baisse du revenu réel disponible des ménages, ainsi que par la révision en forte hausse des taux hypothécaires. Alors que les ménages australiens ont l’un des niveaux d’endettement les plus élevés par rapport au revenu disponible (192%) parmi les économies développées, certains d’entre eux pourraient être confrontés à des tensions liées à l’augmentation du service de leur dette. La Banque de réserve d’Australie (RBA) estime que celui-ci pourrait atteindre 9,25% du revenu disponible des ménages d’ici la fin 2023, contre 7% en 2021. Si la hausse des taux hypothécaires impactera la consommation, elle ne devrait toutefois pas poser de risque pour la stabilité financière, en raison de prudentes normes de prêts et des importantes réserves des banques et des ménages. Tout comme la consommation, l’inflation et le resserrement monétaire freineront l’investissement privé. L’investissement public devrait, quant à lui, rester relativement résilient, porté par le soutien du gouvernement aux initiatives d’énergie verte et au développement d’infrastructures de transport. Enfin, les exportations nettes contribueront positivement à l’expansion du PIB. Malgré le ralentissement de la croissance des exportations, causé par les perspectives économiques moroses chez les partenaires commerciaux occidentaux, et la faiblesse du secteur immobilier chinois susceptible de peser sur le prix du minerai de fer, les exportations nettes seront soutenues par la réouverture de la Chine et la baisse de la facture des importations.
En dépit du niveau encore élevé du coût de l’énergie et de la vigueur du marché du travail, l’inflation diminuera en 2023, freinée par le recul des prix mondiaux du pétrole et par l’affaiblissement de la demande intérieure. L’inflation élevée a déjà poussé la RBA à ajouter 300 points de base au taux de référence officiel au comptant (OCR) au cours de l’année 2022, le portant à 3,6% en mars 2023.
Assainissement budgétaire et situation extérieure confortable
Au cours de l’exercice 2021/2022, l’Australie s’est engagée sur la voie de l’assainissement budgétaire et a réduit significativement son déficit public, à la faveur du retrait des mesures de relance post pandémique et des recettes exceptionnelles liées à la vigueur de l’économie. La fin de la « surperformance » des recettes fiscales a toutefois ralenti le rythme de l’assainissement budgétaire pendant l’exercice 2022/2023 et le budget fédéral rectificatif, présenté en octobre 2022, indiquait un déficit fédéral stable d’environ 1,5% du PIB. Celui-ci dépendra finalement de l’évolution des prix des exportations de matières premières ainsi que de l’ampleur des fonds alloués à l’allégement du coût de la vie et aux mesures liées au changement climatique, promesses électorales du gouvernement travailliste récemment élu. Si l’augmentation du service de la dette devrait faire grimper les dépenses au cours de l’exercice 2023/2024, les réformes fiscales, en particulier l’ajustement à la baisse de la réduction de l’impôt sur le revenu devant entrer en vigueur en juillet 2024, compenseront en partie. Cette consolidation budgétaire progressive devrait ainsi permettre de stabiliser le ratio de dette publique à moyen terme. De plus, la part de la dette publique australienne détenue par des non-résidents est tombée à 45% à la fin du deuxième trimestre 2022 et ne cesse de diminuer depuis 2020.
Depuis 2019, le compte courant de l’Australie est devenu positif, sous l’effet de l’expansion de l’excédent commercial, alimenté par une forte croissance des exportations de matières premières. En 2023, l’excédent courant australien diminuera, mais demeurera, toujours soutenu par la vigueur des exportations de minerai de fer, de charbon et de gaz naturel liquéfié. L’excédent commercial confortable (4,2% du PIB) compensera la croissance du déficit de la balance des services (0,9% du PIB) et de celui des revenus primaires (2,8% du PIB), liés respectivement à la fin des restrictions de voyage et à l’augmentation des paiements des dividendes à l’étranger par les sociétés minières. Alors que l’Australie tente de réduire sa dépendance à l’égard de la Chine en diversifiant l’origine de ses investissements directs étrangers et ses accords de libre-échange, la volonté de cette dernière de stabiliser ses relations avec certaines puissances occidentales la conduira à annuler, en partie, les mesures commerciales punitives imposées au charbon et aux produits agricoles australiens en 2020.
Stabilité politique et recherche d’indépendance vis-à-vis de la Chine
Les élections fédérales de mai 2022 se sont soldées par le retour au pouvoir du parti travailliste de centre-gauche après neuf années d’absence au gouvernement, avec une faible majorité à la Chambre des représentants (chambre basse du Parlement). Le parti a, en effet, remporté 77 sièges sur 151 (contre 68 lors du scrutin précédent de 2019), laissant 58 sièges à la coalition libérale-nationale de centre-droit qui gouvernait jusque-là. La faible opposition et le soutien fondamental des petits partis et des indépendants, en particulier au Sénat où les travaillistes ne sont pas majoritaires, faciliteront l’élaboration de politiques par le parti. Celui-ci se concentrera sur l’extension des programmes de protection sociale, la mise en œuvre de politiques d’atténuation du changement climatique, les questions de l’établissement d’une République australienne et de l’intégration, par référendum, de la voix autochtone au parlement (Indigenous Voice to Parliament).
Sur le plan extérieur, l’Australie approfondira ses relations avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni dans le cadre de leur alliance militaire tripartite AUKUS rendue publique le 15 septembre 2021, qui vise à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indo - Pacifique. Cet accord de sécurité, qui s’ajoute à la coopération militaire et diplomatique informelle entre les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie (au sein du QUAD), ainsi que l’approfondissement des engagements de l’Australie envers ses voisins insulaires du Pacifique, témoignent de son souci de ralentir la progression de l’influence chinoise dans la région et pourraient envenimer les relations avec la Chine à l’avenir.