La morsure des taux élevés persiste
En 2023, l’activité a ralenti, les retombées de la campagne agressive de hausse des taux de la Banque du Canada se faisant ressentir. En 2024, elle devrait rester faible, alors que les conditions financières resteront vraisemblablement restrictives. Les ménages, dont la dette représente environ 182 % du revenu disponible, sont en effet particulièrement sensibles aux hausses de taux d’intérêts et devraient continuer de limiter leurs dépenses discrétion. En conséquence, la contribution de la consommation (55% du PIB), déjà en berne, devrait rester atone. La croissance de la population, surtout grâce à l’immigration, resterait forte, soutenant quelque peu la demande. Ce dynamisme démographique s’accompagne toutefois de défis, notamment en matière de logement. Les taux élevés devraient limiter la contribution des dépenses d’investissement des entreprises. Alors que l’inflation continuerait à se modérer et reviendrait dans la fourchette cible de la Banque du Canada (1-3%) en 2024, elle devrait entamer un cycle de baisse dans le courant de l’année. Les dépenses des ménages et des entreprises pourraient donc se raffermir au cours du second semestre, à mesure que les pressions sur leurs finances s'atténuent, même modérément. L’assouplissement monétaire permettrait aussi de soutenir l’investissement résidentiel qui s’est affaibli ces deux dernières années. La contribution de la dépense publique devrait être positive, la plupart des niveaux de gouvernement apparaissant peu enclins à la réduire. Des termes de l’échange relativement favorables et les exportations de matières premières atténueront le ralentissement de l’activité.
La prudence budgétaire reste de mise
Le déficit budgétaire fédéral ne devait que très progressivement se réduire lors de l’exercice 2024/25. La croissance des recettes devrait pâtir de l’activité économique atone. Néanmoins, les autorités fédérales entendent réduire le déficit au cours des prochains exercices fiscaux afin de respecter un point d’ancrage budgétaire fixé à 1% du PIB d’ici 2026/27. Les nouvelles dépenses concerneront surtout des engagements visant à stimuler l’offre de logements, ainsi que des mesures de soutien pour soutenir l’économie verte. La charge d’intérêts devrait continuer à augmenter et atteindre 1,8% du PIB en 2024/25. Si le ratio de dette brute des administrations publiques est très élevé, en déduisant, notamment, les actifs détenus par le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, celui de la dette nette (47 % du PIB) reste inférieur à ceux de ses pairs du G7. De plus, il devrait s’inscrire sur une trajectoire descendante.
La modération des prix de l’énergie en 2023 a contribué à un creusement du déficit courant. En 2024, celui-ci devrait rester modérément déficitaire. Les dépenses des voyageurs canadiens à l’étranger contribueront de nouveau à alimenter un déficit du compte des services. La balance commerciale pourrait être légèrement excédentaire, avec des exportations portées par les ventes de matières premières, tandis que les importations resteront modérées par une demande domestique atone. L’excédent des revenus de placement pourrait se modérer après un fort rétablissement en 2023. Le déficit du compte des transferts restera plus anecdotique. Les achats d’actifs financiers canadiens par les non-résidents devraient amplement financer le déficit. La dette extérieure, largement détenue par le secteur financier (plus de 60 %), est encore lourde (près de 130 % du PIB).
Le gouvernement Trudeau en difficulté dans les sondages
Justin Trudeau (parti libéral), Premier ministre depuis novembre 2015, a conservé son poste suite aux élections fédérales anticipées de septembre 2021. Celles-ci ont débouché sur la formation d’un gouvernement minoritaire (158 sièges sur 338) et des rapports de forces inchangés par rapport à la législature précédente (2019-2021). Alors qu’aucun gouvernement minoritaire n’a exercé un mandat complet, un « accord de soutien et de confiance » signé avec le Nouveau Parti Démocratique (NPD, 25 sièges) en mars 2022 pourrait assurer le maintien du gouvernement de Justin Trudeau jusqu’en octobre 2025. La probabilité qu’il demeure en place jusqu’alors a été renforcé après que les libéraux ont donné suite à certaines propositions du NPD, notamment en mettant en place un régime national de soins dentaires pour les familles à faible revenu. Dans ce contexte, il est également peu probable que M. Trudeau déclenche des élections anticipées, les sondages indiquant que sa popularité à souffert de l’inflation et des inquiétudes grandissantes concernant l’accessibilité au logement. Le gouvernement devrait annoncer certaines mesures en la matière, mais les marges de manœuvre budgétaires devraient rester limitées. Principal parti d’opposition avec 117 sièges, le parti conservateur mené par Pierre Poilièvre, a fortement progressé dans les sondages depuis mi-2023, leur permettant d’envisager de remporter une majorité absolue en 2025. Toutefois, le système électoral uninominal à un tour signifie que de légers changements dans les dynamiques de popularité peuvent entraîner une modification importante de l'équilibre des pouvoirs.
Les sources de frictions entre les échelons fédéral et provincial de gouvernement restent vives. Le gouvernement fédéral s'est, par exemple, heurté aux gouvernements conservateurs des provinces de l'Alberta et du Saskatchewan, qui estiment que les politiques fédérales de lutte contre le changement climatique ont un impact négatif sur l'industrie pétrolière et gazière. Les désaccords sont également réguliers avec la province francophone du Québec.
En dépit de quelques divergences, le partenariat avec le voisin américain reste un axe fort des relations diplomatiques canadiennes. En revanche, les relations avec la Chine se sont tendues ces dernières années. L'enquête sur une éventuelle ingérence de la Chine dans les élections canadiennes pourrait les tendre d’autant plus en 2024. Les allégations du gouvernement selon lesquelles l'Inde serait à l'origine de l'assassinat d'un dirigeant sikh en Colombie-Britannique, ce qu'elle a nié, ont envenimé la relation bilatérale et pourrait compromettre certains efforts visant à approfondir les liens diplomatiques et économiques entre les deux pays.