Stagnation de l’activité et inflation persistante
L’économie a fortement ralenti fin 2022 et en début d’année 2023, du fait de l’atonie de la demande domestique dans un contexte d’inflation persistante. Si la limitation de la hausse des prix du gaz et de l’électricité (bouclier énergétique) avait permis au pays d’afficher l’inflation la plus faible de l’Union Européenne sur l’ensemble de l’année 2022, la levée de la remise carburants et la hausse de 15% des tarifs de l’électricité et du gaz au 1er janvier 2023 ont alimenté les tensions inflationnistes lors du premier semestre. Face à l’enracinement des hausses des prix (inflation sous-jacente de 5% en juillet 2023) et à l’accélération des salaires (+4,6% au deuxième trimestre 2023), le reflux de l’inflation devrait être très progressif au second semestre 2023. En 2024, les hausses de salaires devraient finalement être légèrement supérieures à l’inflation déclinante, si bien que les ménages verront leur pouvoir d’achat repartir à la hausse. Si l’environnement incertain restera propice à l’épargne de précaution, la consommation des ménages devrait ainsi rebondir. Toutefois, en parallèle, leur investissement en immobilier – qui n'a cessé de chuter depuis mi-2022 – restera en berne, dans un environnement adverse où la BCE maintiendra ses taux d’intérêt à un niveau très élevé jusqu’à (au mieux) la deuxième moitié de l’année 2024. Les conditions de financement restrictives (aussi bien en ce qui concerne les taux que les critères d’octroi de crédit) affecteront également considérablement les entreprises, qui devront faire face à une demande toujours limitée, alors même que leurs coûts continueront d’augmenter (accélération des salaires, remboursement des PGE). Dans ces conditions, malgré un net ralentissement de l’investissement et des embauches, les marges et la trésorerie des entreprises seront sous tension. Les défaillances d’entreprises, qui ont commencé à rebondir en 2022 après deux années de chiffres historiquement bas, ont retrouvé leur niveau d’avant la pandémie au premier semestre 2023 (+2% par rapport à 2019). Les entreprises affectées étant en moyenne de taille plus importante, le coût financier est, toutefois nettement plus important. Si la hausse des importations sera limitée par l’atonie de la demande domestique, les exportations seront toujours tirées en 2024 par la progressive normalisation de l’important secteur aéronautique. Aussi le commerce extérieur devrait-il continuer de contribuer positivement à la croissance, malgré la relative stagnation de l’activité dans les principaux pays partenaires.
Déficit public toujours élevé
Après s’être fortement creusé du fait de la pandémie puis des mesures prises pour parer aux conséquences liées à la guerre en Ukraine, le déficit public restera important en 2023 et en 2024. Si les mesures de lutte contre l’inflation ne devraient pas être reconduites en 2024, les économies réalisées seront largement compensées par les hausses de salaires des fonctionnaires, en lien avec l’inflation élevée, et par les dépenses supplémentaires dans la justice, la police, la défense et la transition écologique. Dans le même temps, la charge d’intérêts continuera de croître dans le sillage des taux et de l’inflation. Aussi la dette publique restera-t-elle très élevée et sa soutenabilité sera l’un des principaux enjeux, alors même que les règles budgétaires européennes, suspendues depuis 2020, s’appliqueront de nouveau en 2024.
Après s’être envolé en 2022 dans le sillage de la facture énergétique, le déficit courant devrait rester plus mesuré en 2023 et en 2024. Les prix de l’énergie, notamment du gaz, restant élevés mais loin des niveaux records de 2022, la balance des biens sera moins déficitaire (1,6% du PIB sur le premier semestre 2023). L’excédent de celle des services (0,7% du PIB), historiquement élevé en 2022 grâce à la reprise du tourisme et, surtout, au transport maritime dont les taux de fret ont atteint des records avant de retomber en fin d’année, devrait lui être plus modéré. Le déficit courant est financé par les émissions de dette ou d’actions cotées qu’achètent des non-résidents. Fin mars 2023, ceux-ci détenaient plus de la moitié des titres émis par les administrations publiques (51%), les sociétés non-financières (56%) et les banques françaises (70%).
Absence de majorité absolue pour le Président Macron, risque de d’instabilité politique et sociale élevé
Au pouvoir depuis 2017, le Président Macron, du parti de centre-libéral La République En Marche (LaREM), a été réélu pour un second mandat en avril 2022. S’il l’a une nouvelle fois emporté au second tour face à Marine Le Pen, du Rassemblement National (RN, extrême droite), le score a été cette fois nettement plus serré (58,5%-41,5%, contre 66%-34% en 2017). Lors des élections législatives qui ont suivi deux mois plus tard, son parti n’a remporté que 170 sièges sur 577 à l’Assemblée Nationale. Son alliance avec deux autres partis de centre-droit ne lui permettant de rassembler que 250 sièges au total, le gouvernement sera contraint de négocier des accords sur chaque réforme, ou de la faire adopter sans vote de l’Assemblée Nationale mais en s’exposant à une possible motion de censure. Les deux principales forces d’opposition sont le RN (88 députés) et l’alliance de gauche NUPES (149 sièges, dont 74 pour le parti d’extrême-gauche LFI). Toutes deux ayant déposé de nombreuses motions de censure contre le gouvernement depuis le début du mandat, Les Républicains (droite, 62 sièges) auront un rôle central à la fois pour l’approbation des réformes mais aussi en ce qui concerne la continuité du gouvernement en cas de nouvelles motions de censure (jusqu’à présent constamment rejetées). Toutefois, l’impossibilité de faire approuver la réforme des retraites en mars 2023 malgré le soutien des leaders des Républicains illustre l’hétérogénéité de ce groupe de députés, qui rendra difficile l’adoption de toute réforme majeure.
En cas d’impossibilité à faire passer certaines réformes, le Président Macron pourrait également lui-même dissoudre l’Assemblée Nationale et convoquer de nouvelles élections législatives. Dans cette configuration d’absence de majorité absolue pour le Président de la République, le risque d’instabilité politique est nettement accru, et aucun scénario ne peut être écarté. Par ailleurs, le risque de tensions sociales est également élevé, comme illustré par les mouvements de protestation consécutifs à l’adoption de la réforme des retraites sans vote de l’Assemblée Nationale et, quelques mois plus tard, les émeutes de juin 2023 suite au décès d’un jeune adolescent.