Avec la fin de l’activité gazière, la croissance ne repose plus que sur la dépense publique
Après la levée de l’état d’urgence sanitaire et la réouverture des frontières qui ont permis la reprise de l’économie non gazière en 2022, puis la fermeture de l’unique gisement gazier, qui assurait 70% du PIB, au 1er semestre 2023, la croissance ne reposera plus, en 2024, que sur la dépense publique et la consommation privée. Malgré la disparition de la rente gazière liée à l’épuisement du champ de Bayu-Undan, les richesses du Fonds pétrolier continueront d’être utilisées pour permettre une consommation et un investissement public important. En particulier, de larges projets d’infrastructures continueront leur développement, parmi lesquels l’extension de l’aéroport international Presidente Nicolau Lobato ainsi que le plan de développement du port de Dili, dans l’optique d’accroître sa capacité d’accueil de passagers. De plus, face aux problèmes sanitaires persistants (malnutrition, faible accès à l’eau potable…) ou encore à la faiblesse du système éducatif, les dépenses publiques en capital humain devraient être importantes.
Alors que les hydrocarbures représentaient environ 95% des exportations du pays, l’épuisement des ressources anciennement exploitées feront chuter les exportations, qui ne pourront reprendre tant que le projet d’exploitation du gisement gazier Greater Sunrise n’aura pas vu le jour. L’exploitation du champ, découvert en 1974, a été l’objet de vifs débats étant donné sa situation géographique, à 150 km du littoral timorais mais également à 450 km de Darwin, en Australie. Alors qu’un accord conclu en 2018 entre les deux pays instaure une frontière maritime favorable au Timor, la question du lieu de liquéfaction du gaz et de la répartition des revenus connexes fait toujours l’objet d’âpres négociations entre Timor, l’entreprise australienne Woodside Energy et la japonaise Osaka Gas. Dans un premier temps, l’Australie a soutenu vivement l’hypothèse de liquéfaction sur son territoire, avant d’évoluer vers la neutralité du fait de sa législation environnementale. Le Timor oriental présente la liquéfaction sur l’île comme une nécessité économique pour le pays qui permettrait également une réduction des coûts. Ainsi, le début de la production n’est pas attendue dans la période de prévision. La modération des cours mondiaux de l’énergie et de l’alimentation permettra un ralentissement de l’inflation importée, qui soutiendra la reprise de la consommation privée. Cette dernière, couplée aux besoins en biens d’équipement liés aux projets d’investissement, accroîtra les importations, la hausse en volume outrepassant la baisse en valeur.
Des déficits jumeaux abyssaux financés par le Fonds Pétrolier
Le déficit public, déjà profond, s’est considérablement creusé avec la baisse puis la fin de la production gazière qui a fourni jusqu’à 80% des recettes traditionnelles, alors que les dépenses publiques continuent d’être le principal moteur de l’économie. Son financement est très majoritairement issu du Fonds pétrolier (FP), suivi de l’aide internationale. Bien que les retraits du Fonds soient normalement limités à 3% de ses actifs, un niveau correspondant aux revenus escomptés du fonds, les retraits excédentaires sont autorisés et exercés. Alors que les retraits sont le triple du niveau considéré raisonnable depuis 2007, la gestion du Fonds est d’autant moins soutenable, que ses recettes se sont taries. Toutefois, une telle gestion a permis de conserver un faible niveau d’endettement.
La balance commerciale, qui, jusqu’en 2022, bénéficiait des exportations gazières, enregistre un impressionnant déficit lié à l’épuisement du seul gisement exploité et aux importations accrues, malgré la hausse des exportations de café attendue. Le déficit de la balance des services sera légèrement réduit par la reprise plus forte du tourisme, mais cette réduction pèsera peu face au déficit commercial abyssal. Le FP, ainsi qu’une hausse de la dette publique extérieure, entièrement concessionnelle et multilatérale, et qui reste légère, financeront le déficit.
Fin de la cohabitation et intégration régionale croissante
Le Prix Nobel de la paix José Ramos-Horta, déjà président entre 2007 et 2012, et aujourd’hui soutenu par le Congrès national de reconstruction timoraise (CNRT), a été de nouveau porté à la tête du pays à l’issue de l’élection présidentielle de 2022 avec 62,1% des voix au 2nd tour face au sortant issu du FRETILIN. Le CNRT, dirigé par le héros de l’indépendance, premier président et ancien premier ministre Xanana Gusmão a remporté 31 des 65 sièges en jeu lors des législatives de mai 2023. Suite à la signature d’un accord de gouvernement avec le Parti démocrate, la période de cohabitation que connaissait le pays a pris fin, ce qui devrait stabiliser la vie politique et faciliter la prise de décision, d’autant plus que les élections se sont distinguées par leur bon déroulé et leur transparence
Sur le plan géopolitique, le pays poursuit son rapprochement avec ses voisins. Après de nombreux différends sur la frontière maritime avec l’Australie, les deux pays ont adopté en 2019 un traité résolvant la question du champ pétrolier et gazier Greater Sunrise en faveur du Timor-Oriental. L’attribution de l’essentiel des revenus du champ au Timor-Leste a apaisé les tensions. Une décision devrait être prise avec l’entreprise australienne Woodside Energy avant 2024 quant à son exploitation, et, en particulier, au lieu de raffinement du gaz. De plus, un pas de géant a été opéré avec l’accord de principe de l’ASEAN sur l’admission du pays dans l’organisation, en novembre 2022, plus de 11 ans après sa candidature. Le 42ème sommet de l’ASEAN, en mai 2023, a permis la discussion d’une feuille de route et a affirmé le soutien de l’organisation aux efforts entrepris par le pays.