Une croissance dynamique, toujours tirée par le tourisme
Après la volatilité enregistrée entre 2020 et 2022, avec une récession parmi les plus sévères au monde suivie d’une reprise tout aussi fulgurante, portée par la reprise du tourisme mondial et des politiques gouvernementales favorables, la croissance s’est assagie depuis 2023. L'économie est extraordinairement dépendante du tourisme, qui, au cours d'une année normale, représente directement 25 % du PIB, et 60 % en incluant les secteurs connexes tels que les fournisseurs de produits alimentaires. Le secteur des services au sens large représente 78% du PIB. Ainsi, la croissance sera encore largement tirée par le tourisme, qui bénéficiera encore de la reprise du tourisme chinois, les Maldives comptant parmi les premières destinations de tourisme pour la Chine avant la pandémie et ayant été une des premières destinations de voyage autorisées par le gouvernement chinois fin 2022. Cela, couplé aux arrivées depuis l’Inde et la Russie, permettra de contrebalancer le moindre dynamisme du tourisme en provenance des pays de l’Union Européenne et des Etats-Unis en lien avec la baisse du pouvoir d’achat ainsi que la compétition croissante avec certaines destinations de plus en plus attractives, telles que la Thaïlande. Cela aura des retombées positives sur les secteurs connexes au tourisme, notamment les transports et le commerce de détail.
L’activité sera également stimulée par d’importants investissements publics, en particulier dans le secteur des infrastructures favorisant le tourisme. Le plus gros projet du territoire, le Greater Malé Connectivity Project (qui cherche à relier par la route la capitale Malé aux îles Villingli, Gulhifalhu et Thilafushi) devrait aboutir fin 2024, tandis que le projet d’expansion de l’aéroport international de Velana poursuivra son cours. Après deux années d’inflation élevée, alors que traditionnellement très faible, celle-ci se modérera en 2024, du fait d’importations alimentaires et d’énergie moins onéreuses, ainsi que d’une probable compression progressive de la dépense publique en faveur des ménages, une fois l’élection présidentielle de septembre 2023 et les législatives de mars 2024 passées. Cette compression budgétaire pèsera légèrement sur la consommation privée.
Des déficits jumeaux importants et une situation d’endettement inquiétante
Le déficit budgétaire, bien qu’encore important, devrait se réduire légèrement en 2024. En effet, les comptes publics bénéficieront des importants revenus du tourisme, grâce à son dynamisme couplé à la hausse des taxes sur les biens et services touristiques effective depuis début 2023. A cela s’ajoute une rationalisation attendue des subventions publiques une fois la période électorale passée. Cependant, les grands projets d’infrastructure continueront d’engendrer des dépenses publiques importantes, qui ajoutées à une charge d’intérêts croissante et un soutien toujours fort aux entreprises étatiques, continueront d’alimenter un déficit public important. Structurellement déficitaire, alimenté par les recettes du tourisme du côté des revenus et par les importations de biens et de services du côté des dépenses, le compte courant continuera d’enregistrer un large déficit. La modération des cours mondiaux des matières premières n’allègera que peu le poste des importations, étant donné les besoins d’équipement massifs pour les projets d’infrastructures et l’importation d’une grande partie des produits destinés aux touristes.
Les déséquilibres public et courant font peser un réel risque financier, car générateurs d’endettement. L’important besoin de financement extérieur fragilise l’ancrage de la monnaie et rend le pays dépendant des financements concessionnels. Les réserves de change sont très faibles, érodées par le prix élevé des importations et la défense de l’ancrage de la rufiyaa au dollar face aux pressions à la baisse. De plus, la dette domestique (55% du total), du fait de sa composition en bons du trésor à court terme, présente un risque de renchérissement et de refinancement. Dans ce contexte, la soutenabilité de la dette publique, dont 55% est en devises étrangères, pose question. Cependant, à court terme, l’Etat peut compter sur la compréhension de la Chine, de l’Inde et des banques multilatérales, qui, aux côtés des obligataires, représentent les principaux créanciers.
Malgré des signes de division, la position du gouvernement est solide
L’instabilité politique s’est atténuée avec l’élection à la présidence d’Ibrahim Mohamed Solih du Parti démocratique maldivien (MDP) en septembre 2018. Sous son prédécesseur, Abdulla Yameen, le pays a connu un tournant autoritaire, accompagné d'une détérioration de la sécurité et de l’environnement des affaires. Le gouvernement, largement majoritaire depuis les élections législatives de 2019, s'est fixé pour objectif d'améliorer le cadre institutionnel, avec notamment des mesures visant à renforcer l'État de droit et la liberté de la presse, de grands projets d'infrastructures et la diversification industrielle. Solih, sorti vainqueur des élections primaires du MDP, devrait l’emporter lors des élections présidentielles de septembre 2023. Le principal candidat du Parti progressiste des Maldives (PPM, principal parti d’opposition) et ancien président Abdulla Yameen est, dans l’attente d’un jugement en appel, peu susceptible d’être rendu avant les élections, reconnu coupable de corruption et de blanchiment, condamné à 11 années de prison et interdit de concourir.
Cependant, des désaccords sont apparus au sein du MDP, autour de la corruption au sein du gouvernement puis des résultats de la primaire du parti. Sur le plan géostratégique, les Maldives demeurent un partenaire apprécié en raison de leur position sur les routes commerciales internationales de l'océan Indien. La Chine y exerce son influence grâce à un accord de libre-échange et à d'importants investissements dans les infrastructures (plus de 1,2 milliard d'USD) dans le cadre du projet des Routes maritimes de la soie. En outre, les prêts (commerciaux et publics) de la Chine représentent 45% de la dette nationale du pays. Cependant, la nouvelle administration cherche à opérer un pivot diplomatique vers l'Inde, ce qui se manifeste par un prêt de 400 millions USD destiné à financer divers projets d'infrastructures ainsi qu’un resserrement de la coopération en matière de défense entre les deux Etats, en témoigne, entre autres, la visite du ministre indien de la Défense en mai 2023. Enfin, la signature d'un accord militaire avec les États-Unis en 2020 constitue un rapprochement avec l'Occident.