La croissance économique repose sur le secteur extractif
En 2023, la croissance est restée relativement résiliente, malgré la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire à l’Est et celle des termes de l’échange. L’économie repose essentiellement sur les minerais (25% du PIB), dont les prix ont chuté. Si le ralentissement de la croissance se poursuivra en 2024 en raison du conflit à l’Est du pays, celle-ci restera encore élevée, soutenue par la production et les exportations de cuivre et de cobalt. L’expansion du complexe cuprifère de Kamoa-Kakula, codétenu par le canadien Ivanhoe Mines, le chinois Zijin et l’Etat congolais, se poursuivra au sud du pays. Une fois la phase 3 achevée à la fin de l’année, la production sera exportée le long du corridor de Lobito, vers l’Atlantique. Le projet ferroviaire traversant la Zambie, la RDC et l’Angola, soutenu financièrement par les Etats-Unis, l’Union Européenne et la Banque Africaine de Développement, consiste en la rénovation des 1300km de rails angolais existants et la construction de 800km additionnels en RDC et Zambie. Le développement de cette infrastructure améliorera l’attractivité du territoire grâce à l’amélioration du débouché océanique et de la connectivité régionale, favorisant le secteur minier et les exportations. La construction bénéficie de ce projet, ce qui stimule la croissance non-extractive qui, avec les services, représentent 35% du PIB. Toutefois, les investissements non-miniers seront toujours limités par l’environnement des affaires déficient, affecté par la corruption endémique et les tensions sécuritaires. La consommation privée restera freinée par la crise humanitaire découlant du conflit à l’Est du pays, qui entraîne le massacre de civils et de vastes déplacements de population. Elle sera également limitée par l’inflation à deux chiffres, qui a bondi en 2023 avec les prix des denrées alimentaires et la dépréciation de la monnaie. L’affaiblissement du franc congolais sera plus modéré en 2024 grâce à la reprise des prix des minerais, ce qui permettra de renflouer les réserves à plus de 2,5 mois d’importations et de limiter l’inflation. La transmission du resserrement monétaire, même partielle, se fera également sentir sur les prix, la Banque Centrale du Congo ayant fortement augmenté son taux directeur en octobre 2023, de 11 à 25%.
Les prêts-projets internationaux et les IDE miniers financent le déficit courant
Toujours modéré, le déficit public s’est légèrement creusé en 2023, grevé par les dépenses électorales et sécuritaires, ainsi que la sous-performance des recettes, liée à la chute des prix du cobalt et à la diminution des impôts sur les bénéfices exceptionnels. Cela a altéré les efforts de consolidation budgétaire opérés sous la houlette du FMI et de sa Facilité élargie de crédit triennale d’un montant total d’1,5 milliards d’USD, expirant à la mi-2024 et susceptible d’avoir une suite. Le budget de 2024 prévoit une priorisation des dépenses, notamment via la fin des subventions aux carburants pour le secteur minier et le paiement des arriérés aux fournisseurs, tandis que les dépenses électorales disparaîtront. Toutefois, les dépenses resteront obérées par les salaires du secteur public, notamment l’armée, (28% des recettes et 4% du PIB) et par le renforcement des autres dépenses militaires et sécuritaires (7% des recettes et 1% du PIB), consécutif au regain des tensions à l’Est et au départ progressif des casques bleus de la MUNESCO. Les larges recettes minières (6% du PIB et 40% des recettes publiques), soutenues par le rebond des prix miniers, participeront à la stabilisation du déficit. De plus, en janvier 2024, le pays a renégocié le contrat signé avec la Chine en 2008 pour l’exploitation des mines de cuivre et cobalt. En quinze ans, les entreprises chinoises ont versé environ un tiers des 3 milliards de dollars promis initialement. Ce montant initial a été augmenté pour atteindre 7 milliards, dont le solde sera alloué aux infrastructures, notamment routières, durant les vingt prochaines années. La joint-venture minière sino-congolaise Sicomines va dorénavant verser une redevance de 1,2%. Le déficit sera essentiellement financé par l’extérieur, notamment via des prêts-projets (1,5% du PIB). Le léger ratio de la dette publique continuera de se réduire grâce à la croissance économique. Sa part extérieure (70% du total) est équitablement répartie entre multilatéraux (FMI, Banque Mondiale) et bilatéraux ; la créance chinoise représentant 6% du PIB en 2022. La dette domestique est essentiellement composée d’arriérés (6% du PIB).
En 2023, le déficit courant était large, le pays faisant face à la dégradation des termes de l’échange. En 2024, les importations de biens d’équipement liés aux infrastructures (47% des importations) et de produits alimentaires resteront élevées. Cependant, l’excédent commercial augmentera grâce aux exportations minières accrues (98% des exportations et 39% du PIB), ce qui réduira le déficit courant. En revanche, le déficit structurel des services persistera, en raison du recours aux services commerciaux et de transport étrangers liés à l’exploitation minière et à la construction. La balance positive des revenus secondaires devrait s’améliorer en 2024, la RDC, qui bénéficie de larges transferts de sa diaspora (3% du PIB), pourrait recevoir davantage d’aide internationale (1,5% du PIB) avec l’aggravation de la crise humanitaire. Les rapatriements de bénéfices par les entreprises étrangères augmenteront, en lien avec l’expansion du secteur extractif. Au final, le déficit courant sera financé par des prêts-projets internationaux et des IDE en direction du secteur minier.
Tensions sécuritaires accrues et situation humanitaire dégradée
Le président sortant, Félix Tshisekedi, a été réélu avec 73% des voix lors des élections générales du 20 décembre 2023. Le quadruple scrutin, comprenant présidentielle, législatives, provinciales et locales, a été marqué par une participation modérée (43%) et de nombreux problèmes logistiques ; les opposants ont dénoncé une « multitude d’irrégularités ». Une requête pour annuler l’élection a été rejetée par la Cour constitutionnelle, validant ainsi la réélection de Tshisekedi pour un second mandat de cinq ans. Le parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès Social (UDPS), est arrivé en tête des législatives (69 sièges sur les 477 attribués), mais devra recourir à une coalition élargie, afin de s’assurer une majorité absolue au parlement. L’Assemblée nationale compte un total 500 sièges, les 23 non attribués correspondent aux circonscriptions dans lesquelles le vote n’a pas eu lieu en raison de l’insécurité. Le conflit à l’est du pays touche essentiellement les provinces d’Ituri et du Nord et Sud Kivu, où des groupes rebelles armés s’affrontent pour le contrôle des minerais (cobalt, coltan, or). Depuis octobre 2023, les combats se sont intensifiés entre le M23 (Mouvement du 23 mars) et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), soutenues par des milices armées locales dites « patriotes ». Appuyée par des documents onusiens, la RDC accuse le Rwanda voisin de soutenir les rebelles du M23, et les tensions entre les deux pays resteront élevées en 2024. Face à ce regain de violence et au risque de déflagration régionale, la mission de la paix de l’ONU, la MONUSCO, a été prorogée d’un an. Ainsi, les casques bleus se replieront progressivement avant leur retrait total en décembre 2024. La RDC compte désormais sur le déploiement des troupes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pour neutraliser les groupes armés, grâce à un mandat plus offensif que celui de la MONUSCO. Les répercussions du conflit resteront lourdes pour la population : 6,9 millions de déplacés internes, dégradation de la situation sanitaire (épidémie de choléra) et aggravation du risque de malnutrition, alors que 25 millions d’individus sont actuellement en situation d’insécurité alimentaire, soit un quart de la population. Elle doit compter avec le risque de catastrophes naturelles : en octobre 2023 et janvier 2024, les débordements du fleuve Congo ont touché plus de 300 000 foyers. Face à ce contexte sécuritaire et social précaire, et compte tenu de ses faibles ressources budgétaires, la RDC restera dépendante de l’aide internationale