Textile-Habillement

Asie-Pacifique
Risque élevé
Europe centrale et de l'est
Risque très élevé
Amérique Latine
Risque très élevé
Moyen-orient et Turquie
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Amérique du Nord
Risque très élevé
Europe de l'Ouest
Risque très élevé

Résumé

Points forts

  • Croissance de la classe moyenne dans les pays émergents
  • Formalisation du commerce de détail dans les pays en voie de développement y attire les marques de mode
  • Demande dynamique pour les vêtements de sport et de plein air
  • Développement d’une industrie textile « verte », y compris chez les acteurs traditionnels

Points faibles

  • Secteur cyclique, à l’exception du segment luxe
  • Prix des fibres textiles très sensibles aux fluctuations des prix des matières premières et aux conditions météorologiques
  • Réglementation ESG de plus en plus stricte, affectant à la fois les fabricants et les détaillants
  • Vente au détail traditionnelle de vêtements concurrencée par le commerce en ligne et le marché de l'occasion

Evaluation des risques sectoriels

En 2024, la production de textile pourrait être stimulée par la fin du déstockage des marques et distributeurs de vêtements. Elle bénéficierait également d’une reprise de la demande des consommateurs grâce au ralentissement de l’inflation. Toutefois, cette reprise devrait être limitée par la faible confiance des ménages et le ralentissement de la consommation privée en Chine – le premier marché de vente. Le prix de l’énergie et les aléas climatiques resteront des risques importants de hausse des coûts des fibres textiles, affectant les fabricants d’habillement et autres biens à base de textile (draps, tapis, etc.).

La demande encore limitée pour les produits textiles renforcera les bouleversements opérés dans le secteur. Elle soulignera l’importance du marketing digital pour les acteurs de la mode, dans un contexte de compétition accrue due au développement de la vente en ligne. De plus, la prudence des consommateurs, tentant de limiter leurs dépenses, notamment discrétionnaires, devrait favoriser davantage la « fast fashion » au dépend de la mode traditionnelle.

La morosité des consommateurs ne devrait, néanmoins, pas toucher de manière similaire tous les produits textiles. Les textiles utilisés pour la fabrication d’objets et vêtements d’extérieur, ainsi que ceux fabriqués à partir de fibres recyclées ou dérivées de matières premières naturelles pourraient résister davantage. Au contraire, les perspectives des textiles d’intérieur (utilisés pour le mobilier, la décoration et le linge de maison) sont moins positives.

Perspectives économiques du secteur

Un paysage toujours morose et risqué…

Le secteur du textile-habillement a connu une année difficile en 2023, face à des coûts de production toujours élevés tandis que la demande de produits textiles et d'habillement s’est affaiblie dans un contexte d'inflation élevée. En 2024, certains éléments laissent entrevoir une légère amélioration du côté de la demande. Tout d’abord, les premiers signes de normalisation des stocks des marques et distributeurs de la mode suggère la fin du déstockage massif opéré par ces derniers depuis le milieu de l'année 2022. Cela pourrait stimuler les carnets de commande des usines de textile, plus de 60% de la production de textile étant destiné à l’habillement1, et de confection de vêtements. En outre, le ralentissement de l’inflation par rapport à l'année précédente devrait soutenir la croissance des salaires réels et le pouvoir d'achat des consommateurs dans la plupart des économies avancées. Néanmoins, cette amélioration de la demande restera limitée par une inflation toujours plus haute que sa moyenne historique, des taux d’intérêt encore élevés et un paysage géopolitique incertain qui continueront à peser sur la confiance des ménages. De plus, la croissance de la consommation privée en Chine, premier marché pour l’habillement et la chaussure (environ un quart des ventes mondiales) devrait ralentir.

Ce contexte de demande encore fragile devrait contenir la croissance des prix des matières premières textiles. En outre, l’offre mondiale de coton (la principale fibre naturelle représentant environ 22% de la production mondiale de fibres textiles) devrait augmenter en 2023-242. La réduction de la récolte des principaux producteurs de coton, à savoir la Chine, l’Inde et les États-Unis, devrait en effet être plus que compensée par l’augmentation de l’offre à l’exportation du Brésil. Toutefois, comme en 2023, les prix de l’énergie resteront un risque majeur. Vulnérables à un environnement géopolitique empreint de tensions et de conflits ces dernières années, ils impactent fortement le secteur car les fibres synthétiques (65% de la production des fibres textiles) en sont dérivées. Du fait de leur substituabilité, tout mouvement significatif des prix de ces fibres aurait un impact sur ceux des fibres naturelles. Ainsi, le prix du coton, resté plus élevé qu'avant la pandémie en 2023 (+15 % par rapport à la moyenne de 2015-2019), pourrait être tiré davantage vers le haut. Un autre facteur d’augmentation des prix des matières premières est le climat, les fibres textiles étant largement produites dans des économies figurant parmi les 10 pays les plus touchés par les catastrophes climatiques3. En 2022, 71% et 51% des exportations de coton et des fibres chimiques provenaient de ces pays.

Si le prix des fibres textiles venait à augmenter, les fabricants de vêtements seraient probablement le maillon de la chaine de valeur de l’habillement le plus touché. En 2021, la forte hausse du prix des fils et tissus vendus par les fabricants de textile n’avait été que très partiellement répercutée sur les prix de vente des usines de vêtements. A l’instar de cette période, une hausse du coût des intrants pourrait réduire les marges des fabricants de vêtements, incapables de répercuter totalement ces coûts plus élevés sur leurs clients dans un contexte de déséquilibre des rapports de force en faveur des marques de mode et de fragilité de la demande des consommateurs finaux.

On peut noter que ce risque climatique impacte non seulement la production des fibres textiles mais également le reste de la chaine de valeur de l’habillement (fil, tissu, vêtement) qui est fortement concentrée dans des pays vulnérables aux aléas climatiques comme la Chine, le Bangladesh ou le Vietnam.

… qui met en lumière des bouleversements du secteur

L'une des principales mutations du secteur de l'habillement ces dernières années a été le développement des ventes en ligne, qui intensifié la concurrence dans le secteur. La concurrence accrue, ainsi que le rôle plus important d'Internet et des réseaux sociaux dans la vie quotidienne, ont amené les marques de mode à se concentrer de plus en plus sur ces outils dans leur stratégie de marketing. L’environnement peu favorable à la consommation d’habillement renforce l’importance pour les acteurs du secteur - des leaders mondiaux aux marques à échelles plus limitées - de s'appuyer sur ces outils, y compris à travers des partenariats avec des influenceurs. Or, lors d’une enquête réalisée par BoF et McKinsey en 2023, 65 % des personnes interrogées déclaraient se tourner moins vers les influenceurs spécialisés dans la mode qu'il y a quelques années. Cette lassitude vis-à-vis des contenus publicitaires liés à la mode sur les réseaux sociaux met en relief la nécessité pour les acteurs du secteur de faire évoluer leur présence sur les réseaux sociaux. La modification du panel d’influenceurs avec lequel ils travaillent peut être une option, les consommateurs préférant de plus en plus des influenceurs plus spontanés et authentiques que les influenceurs traditionnels.

L’attention portée par les consommateurs aux prix, notamment ceux des biens discrétionnaires favoriser la demande d'articles d'habillement bon marché proposés par la « fast fashion ». Cet environnement soutiendra aussi l’essor du marché de l’occasion, qui s’appuie aussi sur la plus grande sensibilité de certains consommateurs aux préoccupations environnementales et sociales. Le commerce de détail de l’habillement a ainsi vu le développement de magasins spécialisés et de plateformes en ligne telles que Vinted. Si l'expansion de l'occasion peut apparaître comme néfaste pour les ventes de vêtements neufs, cela peut en réalité soutenir davantage la « fast fashion ». Les revenus tirés de la vente de vêtements usagés permettent aux revendeurs de maintenir leur consommation de vêtements neufs, soutenant ainsi la sortie quotidienne de milliers de nouveaux produits proposés par la nouvelle génération d'acteurs de la « fast fashion », parfois appelée « ultra fast fashion », tels que Temu ou Shein. Leur succès menace de plus en plus les industriels traditionnels de la fast fashion, comme H&M, dont le nouveau dirigeant a annoncé début 2024 préparer un plan pour réagir plus rapidement aux nouvelles tendances. Cet enthousiasme pour ce segment va à l’encontre d’un intérêt croissant pour une production de vêtements plus responsable et plus écologique, qui propose moins d’articles à des prix généralement plus onéreux.

Evolution inégale de la demande selon les textiles

Cependant, l’opposition entre la « fast fashion » et la production responsable de vêtements n’est pas absolue. Conscientes de l’intérêt croissant des consommateurs sur ces questions, les marques de mode, y compris celles de la « fast fashion », intègrent des considérations environnementales et sociales dans leur stratégie. Par exemple, le groupe H&M a pour ambition d'utiliser 50 % de matériaux recyclés d'ici 2030. En conséquence, bien que la demande restera globalement fragile en 2024, certains segments – tels que les fibres recyclées (7,9 % de la production de fibres textiles en 20224) et vêtements fabriqués à partir de ces dernières - pourraient mieux résister. Cette tendance se poursuivra à plus long terme, également encouragée par des initiatives gouvernementales. La Chine s'est fixée pour objectif de recycler un quart des déchets textiles en nouvelles fibres d'ici 2025 (contre 20% en 2020). L’Union Européenne, quant à elle, prévoit d’imposer à tous ces états membres la mise en place d’un système de collecte séparée des déchets textiles en vue de leur réutilisation et de leur recyclage. A court-terme, cela représentera un coût pour les marques et détaillants de vêtements dans la zone, ces derniers devant contribuer au prix de cette mise en place.

Dans la même veine, les fibres naturelles et artificielles (respectivement 28,6 % et 6,3 % de la production mondiale de fibres textiles en 20223) pourraient être plus demandées que les fibres synthétiques. Bien qu’issues de procédés chimiques, les fibres artificielles sont dérivées de matériaux naturels - principalement le bois. En outre, leur production ne requiert pas l'utilisation de pesticides, insecticides ou d'une quantité importante d'eau, comme c’est le cas pour le coton. Cela a pu expliquer le fait que les exportations de fibres artificielles aient augmenté de 8,3% en 2022, contre une baisse de 0,6% pour les fibres synthétiques. Les principaux exportateurs de ces fibres - la Chine (30% en 2022), les États-Unis (17%) et l'Indonésie (16%) - pourraient donc en bénéficier. Cela dit, la prise de conscience écologique croissante suscitera également des inquiétudes quant à la déforestation, à laquelle la production de fibres artificielles peut contribuer. Le règlement européen sur la déforestation, qui interdira l'importation de produits liés à la déforestation à partir du 30 décembre 2024, pourrait ainsi concerner certains textiles artificiels.

Au-delà des questions écologiques, certains textiles techniques utilisés dans le domaine médical, et dont la demande n’est pas vulnérable au cycle économique, présentent des perspectives relativement positives. Il en est de même pour les textiles et vêtements spécialisés pour le sport – approximativement 20% des ventes d’habillement et chaussures en 2022 - et les activités en extérieur (matières respirantes, imperméables, etc) en raison de l’engouement des consommateurs pour ces activités depuis la pandémie. Au contraire, les perspectives pour les textiles d'intérieur (second usage des fibres textile après l’habillement) restera faible, avec un secteur de la construction encore marquée par une politique monétaire restrictive dans les pays occidentaux et une crise immobilière en Chine.