Une croissance dynamique soutenue par de nombreux projets d’infrastructures
En 2023, la croissance s’est accélérée, soutenue par la hausse des exportations et de l’investissement privé, en lien avec une amélioration du climat des affaires. En 2024, la croissance devrait poursuivre sa progression, principalement tirée par l’investissement public et privé dans de nombreux projets d’infrastructures, dont l’un des plus importants concerne la construction de l’oléoduc d’Afrique de l’Est (EACOP), de 1443 km, entre l’Ouganda et la Tanzanie. La construction de l’EACOP, reliant les champs pétrolifères ougandais au port tanzanien Tanga, devrait commencer mi-2024 et durera jusqu’en 2027. D’autres projets sont à l’œuvre, tels que des projets énergétiques, avec la construction d’une centrale hydroélectrique, ainsi que des projets ferroviaires avec le développement des chemins de fer transfrontaliers, notamment le corridor Tanzanie-Burundi, long de 651 km, dont le financement de la phase II a été approuvé en décembre 2023 par la Banque africaine de développement. Le dynamisme de la croissance proviendra également de la hausse de la production et de l’exportation aurifère, soutenues par une augmentation attendue des prix mondiaux et une amélioration de la productivité dans les mines (avancées technologiques telles que l’automatisation des machines). Le secteur touristique soutiendra également l’activité économique. L’inflation devrait rester en dessous de la cible de 5% fixée par la Banque centrale de Tanzanie (BCT), qui devrait maintenir son taux directeur à un niveau relativement bas (5%), soutenant ainsi les dépenses de consommation et d’investissement privées.
Réduction des déficits jumeaux à l’œuvre
Durant l’année fiscale 2024, le déficit budgétaire devrait s’inscrire sous les 3%, cible fixée par la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), grâce à la croissance dynamique et l’assainissement budgétaire. En effet, les recettes publiques devraient croître en raison d’un élargissement de l’assiette fiscale en lien avec le programme du FMI de 1,05 milliard de dollars (2022-25) qui vise à améliorer, en plus du climat des affaires, la conformité fiscale (renforcement des capacités administratives grâce à la numérisation). Cependant, les dépenses budgétaires resteront élevées, alors que les projets d’infrastructures financés par l’Etat, avec ou sans participation privée, se multiplient (EACOP, routes, chemin de fer, ports, infrastructures énergétiques). De plus, l’importante masse salariale du secteur public et le coût élevé du service de la dette (3% du PIB) continueront de peser. Par ailleurs, les élections locales en 2024 et la présidentielle en 2025 devraient contribuer à maintenir le niveau des dépenses sociales cette année. Le déficit public sera financé à 60% par des prêts domestiques, la Banque centrale de Tanzanie et des prêts extérieurs. Le risque de surendettement reste limité, car la part extérieure de la dette publique (environ 70% de la dette publique totale) est constituée à 85% de prêts concessionnels, accordés par des partenaires multilatéraux (66%) et bilatéraux (19%). Par ailleurs, sa part domestique est détenue principalement par des banques commerciales et des fonds de pension.
Le déficit du compte courant continuera de fondre en 2024, en raison de la progression des exportations aurifères et du rebond du secteur touristique. L’excédent de la balance des services devrait se confirmer, porté par un tourisme dynamique. Cependant, le solde commercial devrait rester déficitaire en lien avec une hausse de la facture des importations, tirée par des besoins accrus en biens d’équipement destinés aux projets d’infrastructures. Le compte des revenus primaires (surtout des revenus d’investissement) restera marginalement déficitaire, en particulier à cause du rapatriement des profits par les entreprises étrangères. Il sera partiellement compensé par l’excédent du compte des revenus secondaires, alimentés essentiellement par les envois de fonds des expatriés. Le déficit courant sera aisément financé par les prêts (concessionnels ou non), les investissements directs étrangers, ainsi que les aides et prêts-projets (environ 2% du PIB en 2023/2024). Les décaissements dans le cadre du programme FMI, ainsi que la réduction des interventions de la BCT sur le marché des changes, en raison d’une politique monétaire visant la stabilité du change et la maîtrise de l’inflation dorénavant axée sur le taux d’intérêt, contribueront à maintenir un niveau de réserves de change stable à 4 mois de couverture d’importations.
Amélioration progressive du climat politique
Réélu en octobre 2020 pour un second mandat de cinq ans, avec près de 85 % des voix, lors d’une élection sous haute tension, John Magufuli est décédé en mars 2021. En conséquence, la vice-présidente Samia Suluhu Hassan a été assermentée présidente, pour achever le mandat de J. Magufuli (2025). Alors que les partis d’opposition ont été lourdement réprimés sous l’ancien président Magufuli, le climat politique semble progressivement s’apaiser en raison des progrès faits par le gouvernement actuel. En effet, la présidente Hassan a levé, en janvier 2023, l’interdiction des rassemblements politiques pour les partis d’opposition, imposée en 2016, et a ouvert la voie au retour au pays de figures de l’opposition. De plus, en mars 2023, sous la pression des opposants, la présidente a promis de relancer le processus de révision constitutionnelle, comprenant une réduction des pouvoirs présidentiels, la création d’une commission électorale indépendante et l’autorisation de contester juridiquement les résultats des élections présidentielles. Cependant, en l’absence de calendrier, il paraît peu probable qu’une telle réforme se concrétise avant les élections de 2025. Par ailleurs, une possible révision de la constitution pourrait réveiller les tensions latentes liées au statut de Zanzibar et les velléités d’indépendance de l’archipel.
Sur le plan extérieur, les efforts visant à positionner le pays comme un carrefour du commerce régional (projet d’oléoduc avec l’Ouganda, renforcement de l’intégration du pays dans la CAE...) pourraient fortifier les liens avec les pays voisins. Par ailleurs, les relations bilatérales se renforcent, notamment avec les Emirats arabes unis, alors que l’exploitation d’une partie du port de Dar es Salaam a été confiée au groupe émirati DP World pour une durée de 30 ans (contrat signé en octobre 2023). DP World a annoncé un programme d’investissement immédiat de 250 millions de dollars pour moderniser et étendre les installations actuelles vieillissantes et régulièrement saturées. Cet accord a fait l’objet de vives critiques de la part de l’opposition tanzanienne, dénonçant l’influence grandissante des Émirats arabes unis en Afrique de l’Est, et un « abandon de souveraineté ».