Le séisme n’a pas compromis la reprise
A la suite d’une croissance économique terne en 2022, liée aux mauvaises récoltes de céréales, l’activité s’est légèrement accélérée en 2023 grâce à un rebond du tourisme, et ce malgré le tremblement de terre. Le 8 septembre 2023, le versant nord de la chaîne montagneuse du Haut-Atlas a été touché par un séisme de magnitude 6.8, situé à environ 75 km au sud-ouest de Marrakech, principale ville touristique du pays. Le séisme est survenu dans une région peu industrialisée, où les infrastructures sont limitées et qui dépend principalement d’une agriculture de subsistance. L’impact économique a été très limité, notamment parce que le tourisme n’a pas été touché, le secteur a enregistré des résultats records en 2023. Le Maroc a accueilli 14.5 millions de touristes, soit une hausse de 32% comparé à 2022 et de 11,5% par rapport à l’année 2019 pré-Covid. Cette tendance devrait se poursuivre en 2024, ce qui devrait favoriser la croissance puisque le tourisme représente 7% du PIB. Les efforts de reconstruction soutiendront également la croissance, ainsi que l’expansion de la part marocaine du marché mondial de phosphate, le Maroc détenant 70% des réserves mondiales. En juin 2023, le gouvernement a annoncé vouloir multiplier par trois les investissements dans les énergies renouvelables sur la période 2023-2027, comparé à 2009-2022, l’objectif est de développer le réseau électrique national (octroi de licences, production d’hydrogène vert, projets éoliens) et de garantir la ressource en eau (usines de désalinisation). En 2024, le secteur manufacturier continuera de se développer et de soutenir la croissance, via des exportations à plus forte valeur ajoutée, dans l’automobile, l’aéronautique et le textile. Toutefois, les risques sont orientés à la baisse car le pays reste très vulnérable à la sécheresse. La saison agricole 2023-2024 a déjà été fortement affectée par les faibles précipitations et les pénuries d’eau, et la sécheresse pourrait se poursuivre en 2024. La consommation sera soutenue par les flux touristiques, les aides publiques et les envois de fonds des expatriés. Cependant, elle restera freinée par des prix alimentaires toujours très élevés et par les faibles performances agricoles, alors que le secteur emploie un tiers de la population. Alors que le pays s’engagera dans la reconstruction, la Banque centrale (Bank Al-Maghrib) devrait suspendre son resserrement monétaire, appliqué en 2023, et maintenir son taux à 3%, pour faire face à l’inflation, qui continuera de baisser.
La pression budgétaire atténuée par les aides internationales
L’objectif budgétaire de 2023 de ramener le déficit public aux niveaux d’avant covid (environ 3% du PIB), d’ici 2026, est compromis par le séisme. Les réformes fiscales mises en place en 2023 et 2024 permettront d’atténuer ses répercussions, avec notamment l’amélioration du système d’imposition des sociétés, grâce à la suppression progressive de la variabilité du taux normal à 20%, d’ici 2026. En 2024, les subventions alimentaires et énergétiques seront remplacées par des allocations familiales ciblées, pour une meilleure gestion des dépenses publiques. Néanmoins, ces efforts de consolidation fiscale ne suffiront pas à empêcher le déficit budgétaire de se creuser en 2024, par rapport à 2022 et 2023. Le gouvernement a annoncé un plan de reconstruction, budgété à 11.7 milliards d’US dollars, soit 8.5% du PIB, qui s’étalera sur cinq ans. Il sera financé par une hausse des dépenses budgétaires et par une contribution de deux milliards de dirhams (194 millions de dollars) du Fonds Hassan II pour le développement économique et social. Par ailleurs, l’aide internationale réduira la pression budgétaire, sous forme de fonds de solidarité, de prêts et de dons multilatéraux. Le Maroc peut compter sur la ligne de crédit flexible de 5 milliards de dollars accordée par le FMI en avril 2023 pour aider à financer son déficit. A cela, s’ajoute un prêt d’1,3 milliard de dollars, accordé par le Fonds le 28 septembre 2023 pour une durée de 18 mois, afin d’aider le Maroc à faire face aux catastrophes climatiques. En conséquence, le poids de la dette publique augmentera très légèrement en 2024, avec une part extérieure à 42% du PIB.
Le tremblement de terre n’a pas empêché le déficit courant de se réduire en 2023. L’augmentation des importations, liée aux efforts de reconstruction, a été contrebalancée par la hausse des envois de fonds de la Diaspora et par les aides internationales. En 2024, les recettes du tourisme continueront d’accroître l’excédent des services. Néanmoins, l’accroissement du déficit commercial creusera légèrement le déficit courant. Les exportations augmenteront avec la production de phosphate et du secteur automobile, ainsi que l’extension du port de Tanger. Cependant, la hausse des importations sera légèrement plus importante, du fait des projets d’infrastructures, des prix mondiaux des matières premières toujours élevés et de la reconstruction. Ce déficit restera majoritairement financé par des emprunts extérieurs concessionnels et des investissements directs à l’étranger.
La stabilité politique, malgré une frustration populaire liée à la vie chère
Le Premier ministre Aziz Akhannouch, au pouvoir depuis 2021, est à la tête du Rassemblement National des indépendants (RNI), parti majoritaire d’une coalition de centre-droit. La prochaine élection concernera la Chambre des Représentants, chambre basse du parlement, et ne surviendra qu’en septembre 2026. Le pays, stable politiquement, a dû faire face à un mécontentement populaire croissant en 2023 ; conséquence d’un taux de chômage élevé (12%), du coût de la vie renchérie par des épisodes récurrents de sécheresse qui affectent les récoltes. Le séisme a entraîné la mort de 3000 individus et laissé plus de 15000 personnes sans abri. Le plan budgétaire rectificatif dévoilé par l’Etat sera consacré à l’aide d’urgence et à la reconstruction, mais aussi au développement social et économique de la région touchée (70% du montant). L’objectif est d’encourager l’activité économique et de désenclaver les territoires montagneux isolés.
En 2024, les tensions avec le Front Polisario et l’Algérie continueront de se cristalliser autour du Sahara occidental, alors qu’Israël a reconnu la souveraineté marocaine sur ce territoire en juillet 2023, et l’Espagne, le plan d’autonomie marocain en 2022. La première décision s’inscrit dans une volonté de rapprochement, impopulaire, entre les deux pays, ainsi que les Etats-Unis, sur des questions de défense. L’autre s’insère dans le contexte des mouvements migratoires entre les deux rives.