Le secteur minier comme principal vecteur de croissance
En 2025, comme en 2024, la croissance économique restera robuste, malgré un léger recul, notamment dû à la contraction du secteur agricole (10,2% du PIB en 2023). En cause, le phénomène météorologique « dzud », caractérisé par des conditions hivernales extrêmement rigoureuses qui déciment les élevages dans les steppes mongoles. Malgré le ralentissement des livraisons de charbon à coke (52,2% des exportations en 2023) à la Chine, principale partenaire commerciale de la Mongolie, dont la demande en intrant dépend largement de ses besoins en acier, eux-mêmes freinés par la crise immobilière que traverse le pays, l’industrie extractive (81% des exportations pour 28,2% du PIB en 2023) continue de porter la croissance. Ainsi, les exportations de cuivre (15,6% des exportations en 2023) sont censées bondir, alors que la production de la mine d’Oyu Tolgoi, la plus grande du pays, doit plus que doubler d’ici 2025 par rapport à 2023.
Pilier essentiel de l’économie, qui entraîne aussi la croissance des services, le secteur minier concentre une majeure partie des investissements en capital fixe (26,8% du PIB en 2023), essentiellement sous forme d’IDE, en progression dès 2025, après un relâchement en 2024. Source de redevances importants pour l’État, ce dernier favorise le développement du secteur par la construction d’infrastructures de transport « de la mine au marché » (chemins de fer, plateformes intermodales, etc.) mieux adaptées pour faciliter le transport de la production jusqu’à la frontière chinoise. Une stratégie – plutôt payante – qui encourage les grands groupes étrangers à venir s’installer en Mongolie, à l’image du protocole d’accord conclu avec le français Orano pour exploiter 2500 tonnes d’uranium par an dès 2028, un minerai que le pays n’extrayait plus depuis 1995. Il reste que la Mongolie, le deuxième plus grand pays enclavé au monde, est encore extrêmement dépendante des cours mondiaux des matières premières et de la conjoncture chinoise, alors que l’immense voisin représente près de 90% des destinations à l’export du pays.
Dopée par une hausse des salaires publics et des pensions de retraite, la consommation privée (46,7% du PIB en 2023) contribuera fortement à la croissance en 2024 et, dans une moindre mesure, en 2025. En dépit d’une telle hausse de la dépense publique et du choc d’offre négatif provoqué par la contraction du secteur agricole, l’inflation prolongera sa décrue sur la période, pour retourner dans la fourchette cible de la Mongolbank, comprise entre 4% et 8%. En conséquence, la banque centrale, dont le principal taux directeur a déjà été ramené à 10% en septembre 2024, devrait poursuivre un assouplissement monétaire prudent.
Retour dans le rouge pour les comptes publics et extérieurs
Après deux années d’excédent, les finances publiques devraient repasser dans le rouge en 2025, sous le coup d’une politique budgétaire expansionniste qui accompagne la croissance. Celle-ci reflète avant tout les hausses de salaire généreuses accordées au (large) secteur public mais également des dépenses d’investissement conséquentes, dans le cadre de la Nouvelle politique de relance (NPR), qui vise à développer l’indépendance économique du pays d’ici 2050. Toutefois, la Mongolie sera en mesure d’éviter un déficit trop important grâce à une progression des revenus plus élevée que prévu, en lien avec des recettes minières robustes, qui alimentent également plusieurs fonds souverains tels que le Future Heritage Fund (FHF). Dans ce contexte, la dégradation du solde budgétaire, essentiellement couvert par des financements extérieurs (majoritairement multilatéraux et bilatéraux mais également des obligations), placera la dette publique – dont plus de 90% est déjà détenue par l’étranger – sur une trajectoire ascendante, à l’origine d’un risque souverain accru.
De la même manière, le solde courant redeviendra déficitaire en 2024, sous l’effet d’une abrasion de l’excédent commercial consécutive à la dégradation des termes de l’échange, en raison de la baisse des prix du charbon. Dans le même temps, les importations de services progresseront, alors que la croissance des quantités exportées de produits miniers sollicitent davantage de transport. Néanmoins, le déficit devrait s’alléger en 2025, notamment grâce à la montée en puissance de la mine d’Oyu Tolgoi. Le solde primaire restera, lui, négatif sur la période, en lien avec les rapatriements de profits des compagnies minières étrangères. La progression des IDE (8,7% du PIB en 2023), surtout dans le secteur extractif, assurera la majorité du besoin de financement. En complément, un accord de swap de 1,8 milliard de dollars entre la Banque populaire de Chine et la Mongolbank court jusqu’en 2026, alors que les réserves de change ne couvraient qu’un peu moins de quatre mois d’importation en juillet 2024.
Un système démocratique coincé entre deux puissances autoritaires
Comme elle le fait depuis maintenant trois décennies, la Mongolie a élu en juin 2024 son nouveau Parlement selon un processus globalement respectueux des normes démocratiques. Il s’agissait du premier appel aux urnes depuis la réforme du régime électoral, laquelle porte de 76 à 126 le nombre de députés et introduit une dose de proportionnelle. Le gouvernement nouvellement formé repose sur la coalition du Parti du peuple mongol – privé de sa majorité absolue –, du Parti démocratique et du Parti travailliste national. L’élection a soulevé l’espoir d’une meilleure gouvernance chez une population mécontente de la corruption qui ronge le pays, même si les incertitudes demeurent face à une instabilité politique chronique.
Sur le plan international, la Mongolie, pays enclavé avec la plus faible densité de population au monde, très dépendante économiquement de la Chine et de la Russie, cherche à s’émanciper de ses deux gigantesques voisins. Pour l’instant, la Chine, principale destination des exportations mongoles, demeure cruciale pour l’économie du pays, qui dépend également de la Russie pour ses importations de pétrole et de gaz. Néanmoins, la Mongolie résiste tant bien que mal, par exemple en refusant d’intégrer l’Organisation de la coopération de Shangaï. Ses richesses en minéraux stratégiques (terres rares, cuivre, uranium) constituent une formidable opportunité de diversifier ses relations en accueillant sur son sol d’autres puissances économiques. En ligne avec cette stratégie, le pays a signé des protocoles d’accord sur la coopération minière avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis.