Une reprise progressive de la croissance
L’économie reprend très progressivement en 2024, car des incertitudes majeures persistent en lien avec le contexte économique régional difficile, marqué par la guerre en Ukraine toute proche. Cette situation continue de peser sur l’activité industrielle et agricole. La demande intérieure se redresse prudemment, la consommation privée plus vaillamment que l’investissement compte tenu de la différence de perspective. La demande extérieure s’oriente mieux, ce qui constitue un facteur de croissance pour les industries exportatrices. Le secteur agricole contribue à la production de l'industrie alimentaire, mais sa croissance restera modeste (1 % en 2024).
En 2025, l’économie devrait nettement accélérer, mieux soutenue par la demande intérieure, notamment son volet investissement qui devrait reprendre des couleurs, en particulier grâce à la politique monétaire accommodante. En effet, la Banque nationale de Moldavie (BNM) a continué à réduire son taux directeur, pour le fixer à 3,60% en mai 2024. Sauf accident, comme une bouffée sur les matières premières telles que les engrais et le carburant, elle pourrait encore le faire, car l’inflation devrait se maintenir autour de la fourchette cible, fixée à 5 + ou -1,5%. Le volume de capital investi par le secteur privé devrait augmenter de 3 % en 2025 (après 2,2% en 2024), soutenu par l'application d'un taux zéro à l'impôt sur les revenus non distribués des petites et moyennes entreprises, ainsi qu'à la mise en œuvre du programme 373. Ce programme permet aux entreprises d'accéder à des prêts d'investissement allant jusqu'à 15 millions de leu (environ 800 000 euros) à des taux réduits. D’autre part, le Programme national de développement industriel 2024-2028 prévoit des investissements favorisant l'industrie. Financé sur fonds nationaux et des partenaires internationaux, il inclut de grands projets, notamment dans l'énergie, l'infrastructure routière et ferroviaire, ainsi que l'approvisionnement en eau et l'assainissement. Dans le secteur de l'énergie, il est prévu de connecter le système électrique moldave à celui de la Roumanie, de moderniser le système thermique de Balti et de réhabiliter les réseaux de transmission d'électricité. En outre, des projets d'infrastructures seront financés par le Fonds national pour le développement régional et local, ainsi que par des institutions internationales comme la BERD et la BEI. Ces projets incluent la restructuration et l'amélioration des chemins de fer, et la remise en état des routes locales. Par ailleurs, la reprise de l'économie mondiale et européenne devrait renforcer la demande extérieure, se traduisant par une augmentation des exportations. Les exportations seront également soutenues par le renouvellement pour un an de la suspension temporaire de tous les droits de douane et contingents en faveur de la Moldavie, approuvé en mai 2024 par le Conseil européen. Cet accord permet de soutenir les exportations et la reprise de la production industrielle.
Des déficits significatifs, mais une aide internationale conséquente
Malgré la consolidation budgétaire à l’agenda 2024 et 2025, le déficit budgétaire restera important. Les subventions sur l'électricité et les intrants agricoles, la masse salariale publique importante et les investissements dans les infrastructures contribueront à la hausse des dépenses. Le déficit sera, surtout, financé par des prêts-projets concessionnels, des dons des partenaires multilatéraux (FMI, Union européenne, Banque mondiale) et bilatéraux, et, dans une moindre mesure, par des emprunts domestiques. La Facilité élargie de crédit (FEC) et le Mécanisme élargi de crédit (MEDC) du FMI d’un montant total de USD 790 millions, approuvés en décembre 2021 pour une durée de 46 mois ont été complétés, en décembre 2023, par une Facilité pour la résilience et la durabilité d’un montant de USD 173 millions. En juin 2024, le FMI a approuvé, à ces titres, le décaissement de USD 175,2 millions, portant le total des décaissements à USD 636,5 millions. Ces financements sont cruciaux pour soutenir le programme de réformes dans les domaines budgétaire et financier, ainsi que les projets d’infrastructure, dans l’optique d’une future adhésion à l’UE. Cependant, les tensions politiques et sociales, notamment celles liées aux prochaines élections prévues fin 2024 et en 2025, ainsi que les tensions inflationnistes pourraient compromettre la dynamique des réformes et les engagements pris dans le cadre de ces programmes. Enfin, la dette publique, avec sa une part externe constituant 59% du total en 2023, restera modérée au regard des normes internationales. Les organisations internationales sont les principales créancières extérieures de l’Etat (plus de 80%). Le gouvernement prévoit de développer le marché de la dette intérieure. En septembre 2023, la Moldavie a réalisé sa première émission nationale à 10 ans, en plaçant 12,75 millions de dollars d'obligations sur le marché intérieur. Cela aura pour conséquence d’augmenter le service de la dette, jusqu’ici modique, du fait du coût plus élevé de la dette domestique.
La balance courante enregistre un déficit structurel. Les transferts d'expatriés, les revenus des travailleurs frontaliers, le soutien budgétaire et les exportations de services (15% du PIB en 2023), notamment dans le secteur informatique, ne compensent pas le déficit commercial (30% du PIB en 2023) dû à la forte dépendance aux importations (50% du PIB). Ce déficit est financé par l’aide internationale (8% du PIB en 2023) et les investissements directs étrangers (2,5% du PIB). Ce déficit, ainsi que l’incertitude géopolitique, exercent une pression sur le taux de change du leu. Néanmoins, depuis fin 2023, la monnaie locale s’échange à son niveau d’avant la guerre en Ukraine, avec très peu d’interventions de la banque centrale. De plus, l'amélioration des fondamentaux économiques sous-jacents et le soutien du processus d'adhésion à l'UE, ainsi que les flux d'investissement plus importants qui en découleront, contribueront à renforcer le leu. En juillet 2024, les réserves de change de la NBM s’élevaient à l’équivalent de 6 mois d’importations de 2023. La dette extérieure brute totale représentait 60,9% du PIB à fin mars 2024, dont 64% (soit 39% du PIB) était due par des débiteurs privés, surtout sous forme de crédits commerciaux et de prêts intragroupes dans le cadre d’investissements directs.
Les élections et le référendum d’adhésion à l’UE
Le paysage politique moldave est dominé par l’élection présidentielle en octobre 2024 et les élections législatives en 2025 (avant le 11 juillet). La présidente, Maia Sandu, du Parti de l'action et de la solidarité (PAS), favorable à l'UE, se présente à la réélection, et devrait bénéficier d’un soutien important. L’élection sera combinée à un référendum sur l’adhésion à l'UE. Alors que le PAS continue à mener des réformes avec le soutien financier des partenaires internationaux, les élections se dérouleront sur fond d'inquiétudes. A la lenteur de la croissance, s’ajoutent la guerre en Ukraine, le séparatisme de la Transnistrie, située entre le Dniestr et la frontière ukrainienne, la Gagaouzie, autre région pro-russe, ainsi que la division de l’opinion publique sur l'orientation future du pays. Les partis d’opposition pro-russes tenteront de tirer parti de cette situation pour alimenter le mécontentement à l'égard du PAS. Les élections municipales de novembre 2023 ont montré que l'opposition, dont une partie est pro-russe, dispose d'un électorat significatif. Une ingérence de la Russie lors des prochaines élections est possible.
L'UE a officiellement ouvert les négociations d’adhésion de la Moldavie en juin 2024. Le pays vise à rejoindre l'UE d'ici 2030. En conséquence, le PAS a lancé son premier Programme de Réforme économique (ERP) 2024-2026, un ensemble de réformes pour se conformer à l'acquis communautaire de l'UE. Cependant, l'adhésion à l'UE se heurte à la Transnistrie En juin 2023, Josep Borrel, le Haut représentant de l’Union européenne pour le affaires étrangères a affirmé que l’UE soutient l’intégrité territoriale de la Moldavie, mais que l’adhésion du pays ne dépend pas de la réintégration de la Transnistrie.
Des progrès significatifs ont été réalisés pour réduire la dépendance énergétique de la Moldavie vis-à-vis de la Russie à travers la Transnistrie et l’Ukraine, notamment en construisant des capacités d'interconnexion avec la Roumanie pour les importations de gaz. Toutefois, le secteur de l'électricité reste largement dépendant d'un seul fournisseur, MGRES en Transnistrie qui se fournit en gaz russe transitant par l’Ukraine. Un accord a été conclu avec MGRES en octobre 2023 pour assurer l'approvisionnement jusqu'à la fin de l'année 2024. Néanmoins, l'expiration potentielle d'un accord de transit de gaz entre la Russie et l'Ukraine pourrait perturber l'approvisionnement de la Transnistrie et augmenter le coût de l'électricité. L'aide internationale participe à renforcer la sécurité énergétique de la Moldavie qui prévoit de stocker 25 millions de mètres cubes de gaz (au moins la moitié de ses réserves de sécurité) en Roumanie, alors que la majeure partie est actuellement stockée en Ukraine.