Une croissance robuste et stimulée par un nouvel accord avec le FMI
Malgré les impacts de la pandémie puis de la guerre en Ukraine, l'économie continue de se montrer solide et enregistrera encore une croissance soutenue en 2024. Le tourisme (20% du PIB), en dépit de la saturation des capacités, plus globalement les services (55%), l’agriculture (25% du PIB, mais 70% de la population), la construction (6%) et la pêche soutiendront l’activité. La croissance pourra également compter sur les envois de fonds des expatriés (32% du PIB en 2023, principalement en provenance d’Amérique du Nord et d’Europe) qui stimuleront la consommation des ménages (79% du PIB) et l’investissement privé domestique. De plus, les revenus agricoles devraient profiter d’une augmentation de la productivité et de la baisse du prix des engrais et des semences. L'investissement (22% du PIB, dont 9% pour sa part publique) sera aussi porté par des financements internationaux qui participent au développement des secteurs de l'énergie, de l'eau et de l’assainissement, ainsi qu’à l'extension du port de Banjul. Ils seront encouragés par un nouveau programme avec le FMI. En janvier 2024, le FMI a approuvé un accord de 3 ans au titre de la facilité élargie de crédit (FEC), d’un montant d’environ 100 millions d’USD. Le programme se veut un soutien pour lutter contre l’inflation et les pressions sur le taux de change, réduire la dette et favoriser la croissance. Les exportations de marchandises, dont celles de noix de cajou et de mollusques, auront peu d'influence compte tenu de leur faible niveau (4,1 % du PIB en 2023). Par ailleurs, en raison de sa rareté, l’exportation de bois de rose est interdite depuis 2022.
La banque centrale de Gambie (CBG) a relevé son taux directeur de 7 points depuis mai 2022 pour atteindre 17% en août 2023 et pourrait prudemment le réduire au second semestre 2024. Si les prix alimentaires (qu’il s’agisse d’importation ou de production locale) pourraient encore baisser, la libéralisation de ceux de l’eau et de l’électricité va se poursuivre. Une dépréciation du dali entraînée par une libéralisation progressive du régime de change pourrait nourrir l’inflation. Toutefois, l’impact de la politique monétaire ne doit pas être surestimé compte tenu de la forte informalité de l'économie et de la faible inclusion financière qui limitent son efficacité. Les prévisions de croissance sont principalement sujettes à des risques à la baisse, liés à l’évolution de la guerre en Ukraine, du confit au Moyen-Orient et de la croissance chinoise, ainsi qu’à leur impact sur l’inflation et le tourisme (70 % des visiteurs sont des Européens), les envois de fonds des émigrés et les importations.
Vers une réduction du déficit public grâce à l’assainissement budgétaire
L’assainissement budgétaire se poursuivra en 2024, entraînant une nouvelle réduction du déficit. Les recettes domestiques, principalement issues des impôts indirects et des taxes à l'importation, ne représentaient que 12 % du PIB en 2023, tandis que les dons extérieurs constituaient 7,8 % (5 % pour les aides-projets et 2,7 % pour l'appui budgétaire). Les dépenses représentaient 22 % du PIB, dont la moitié allouée à des projets largement financés par des donateurs étrangers. La dette extérieure représente 61% de la dette publique et est due en grande majorité à des créanciers multilatéraux et bilatéraux (en majorité du Moyen-Orient) à des conditions concessionnelles. La dette publique est considérée comme soutenable par le FMI, avec ses services intérieur et extérieur s’élevant, respectivement, à 4,2% et 3% du PIB en 2023, et les seuls intérêts représentant 10% des recettes publiques (2% du PIB). Toutefois, le risque de surendettement est jugé élevé, surtout en raison d’un service de la dette en augmentation. La Gambie devra faire face au service de la dette au titre de 2020 et 2021, suspendu dans le cadre de l’initiative ISSD et exigible en 2025. Par conséquent, le plan d'assainissement budgétaire vise à alléger davantage le poids de la dette en réduisant le déficit global et en atteignant un léger excédent primaire en 2024 (c'est-à-dire hors intérêts). Il implique une amélioration de la collecte et de la gestion des recettes grâce à la numérisation, ainsi que l'expansion de l'imposition aux biens locatifs. En outre, la hausse des prix de l’eau et de l’électricité permettra une réduction des subventions aux agences gouvernementales. Le gouvernement prévoit aussi de rationaliser les agences redondantes et supprimer l’exonération fiscale sur le carburant. En revanche, les dépenses d’investissement et sociales se poursuivront grâce aux financements extérieurs.
En 2024, le déficit courant se creusera, tiré vers le bas par une balance commerciale très déficitaire (32% du PIB en 2023). De fait, la facturation des importations (36,2% du PIB en 2023) progressera en raison d’une forte dépendance à celles de denrées alimentaires, de carburant et de biens d’équipements nécessaires pour les infrastructures. Les exportations progresseront aussi mais resteront en deçà de leurs niveaux d’avant la pandémie, en partie à cause du ralentissement de la croissance chinoise (principale destination des exportations après l’Inde). Grâce à la reprise continue du tourisme, l’excédent des services augmentera. Les transferts des expatriés et des partenaires officiels (appui budgétaire) s’élevaient, respectivement, à 22,3% et 2,7% du PIB en 2023. Le déficit sera financé par des aides aux projets, des prêts concessionnels (favorisés par le nouveau programme avec le FMI) et des investissements directs étrangers (4,3% du PIB). En janvier 2024, les réserves de change sont estimées à l'équivalent de 5 mois d'importations.
Des réformes socio-politiques essentielles en suspens
Malgré une utilisation prolongée de l’Etat d’urgence pendant la pandémie, notamment employé pour réprimer la dissidence et les médias critiques, Adama Barrow a été élu pour un second mandat présidentiel de cinq ans lors des élections de décembre 2021, considérées comme libres par les observateurs internationaux. Sa réélection s’est appuyée sur des promesses de développement des infrastructures rurales, d’augmentation des salaires du secteur public et de réformes pour lutter contre la corruption et améliorer la transparence. Son parti, le National People's Party, a obtenu une petite majorité relative lors des élections législatives d'avril 2022 et, avec le soutien de deux partis mineurs, une infime majorité absolue. La réforme des institutions non démocratiques héritées du régime autoritaire précédent est toujours en cours. Celle des forces de sécurité doit être achevée pour mettre fin à la mission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest en Gambie (ECOMIG). Cette mission de maintien de la paix, composée de soldats sénégalais et déployée en 2016 pour les élections, est une source de frustration pour une partie de la population et des forces de sécurité. En décembre 2022, quelques soldats ont tenté en vain un coup d'État. La révision constitutionnelle est au point mort, en grande partie en raison d’un désaccord sur la rétroactivité de la limite de deux mandats présidentiels. La révision aurait besoin d’une majorité de 75% à l’Assemblée avant d’être soumise à un référendum.
Concernant les relations extérieures, l'accord de paix signé en août 2022 à la présidence de la Guinée-Bissau entre un émissaire du président sénégalais, Macky Sall, et le chef rebelle casamançais, César Atoute Badiate, semble avoir mis fin à un conflit de 40 ans. Jusqu'alors, la Gambie était confrontée aux rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Le MFDC cherchait à obtenir l'indépendance de la province sénégalaise de Casamance, séparée du reste du Sénégal par la Gambie. Le MFDC menait un conflit de faible intensité depuis 1982, causant plusieurs milliers de morts. Les rebelles casamançais, accusés de trafic de cannabis et de bois de rose gambien menacé d'extinction, s'étaient souvent réfugiés en Gambie ou en Guinée-Bissau. Ce conflit était resté latent jusqu'au lancement, en janvier 2021, d'une grande offensive par l'armée sénégalaise.