Retour d’une croissance forte
En 2023, l’activité économique a ralenti en raison de la méforme de la demande domestique privée, ainsi que d’un moindre dynamisme des exportations manufacturières et des remises d’expatriés (8,6 % du PIB en 2022). En 2024, l’effet décalé du desserrement monétaire (taux directeur abaissé de 8,50 % en mai 2023 à 7% en novembre 2023) par la Banque centrale de la République Dominicaine (BCRD), devrait stimuler la croissance. En parallèle, la BCRD a instauré une facilité de liquidité équivalant à 2 % du PIB, afin de favoriser le crédit privé local. La décélération continue de l’inflation depuis 2021, qui se rapproche de la cible fixée par la BCRD (4 % ±1 pp), devrait l’encourager à poursuivre sur cette voie. Cependant, des pressions inflationnistes persisteront, en raison de la volatilité des prix des denrées alimentaires et de la réduction progressive des subventions aux carburants et à l’électricité. La possibilité d'une dépréciation plus marquée que prévue du peso dominicain, pourrait également entraîner une hausse des prix des importations.
De plus, la reprise étatsunienne, attendue au second semestre, devrait relancer le flux des remises (84 % proviennent des E.U.) et des exportations (56 % à destination des E.U.), notamment d’or (près d’un tiers des exportations totales de biens), d’appareils médicaux et de tabac. En parallèle, la perspective d’une probable réouverture des frontières avec Haïti à l’issue des élections devrait permettre la reprise des exportations (8 % du total avant leur arrêt) vers ce pays. Le tourisme devrait beaucoup moins progresser qu’en 2023, mais continuera de conforter les revenus des ménages. La croissance sera aussi soutenue par l’accélération de l'investissement public. Dans le contexte électoral, le Plan d’investissements publics 2023-2026 entraînera son doublement à RD$ 201,720 millions, dont 44% pour 2024, mais ne représenterait que 1,46 % du PIB. Les fonds seront principalement alloués aux transports, au logement, aux services de proximité, de santé et d'éducation. Les investissements directs espagnols dans le tourisme et l’énergie, et ceux des Etats-Unis, soucieux de rapprocher leurs sources d’approvisionnement, dans la production à forte valeur ajoutée des zones de libre-échange, resteront porteurs. L’augmentation de l’emploi, notamment déclaré, et de la productivité grâce au développement du tourisme et des zones de libre-échange soutiendra également la croissance.
Amélioration de la position extérieure et des comptes publics
Le déficit courant a diminué en 2023, principalement en raison d’une facture d'importation moins élevée, notamment d’hydrocarbures. L’amélioration des recettes touristiques et la croissance des remises d’expatriés (+3,4 % par rapport à la période janvier-novembre 2022) ont également participé à la réduction du déficit. En 2024, la consolidation du tourisme (15 % de contribution directe au PIB en 2022), le ralentissement des importations de combustibles, l’accélération de la croissance des exportations (liée à la reprise probable des exportations vers Haïti au deuxième semestre) et la stabilisation des remises d’expatriés, stabiliseront le déficit courant. Les entrées d’IDE et les investissements de portefeuille continueront de financer largement le déficit, renforçant les réserves de change. Ces dernières couvrent au moins 5 mois d'importations de biens et de services.
Le déficit public rapporté au PIB n’a pas varié en 2023 et diminuerait à peine en 2024. Dans le contexte électoral, les dépenses sociales, d’équipements publics et dans les forces de police, ainsi que le maintien temporaire des subventions (1,9% du PIB en 2023), devraient freiner l’assainissement budgétaire attendu après les élections. Plus précisément, les dépenses primaires se concentreront sur les transferts sociaux, notamment via le Programme Supérate (60 % des subventions en 2023). Par ailleurs, conditionné à sa réélection en 2024, le projet de réforme fiscale du président Abinader, visant à renforcer la collecte fiscale et douanière, permettrait d’augmenter les recettes publiques à partir de 2025. L’assainissement progressif des finances publiques résulterait aussi de la suppression progressive des subventions aux combustibles (6,5 % des subventions en 2023) et à l’électricité (60 %), et de la réforme du secteur de l'électricité dans le cadre du Pacte pour l’Électricité. En juin 2023, le Sénat dominicain a approuvé la Loi sur la responsabilité fiscale, prévoyant une croissance des dépenses primaires n’excédant pas de plus de 3 points de pourcentage l'inflation prévue, et une dette publique ne dépassant pas 40 % du PIB d’ici 2035. La Chambre des députés ne devrait pas l'adopter avant les élections.
Même si le poids de la dette publique externe (plus de 40 % du PIB en 2023) continuera de diminuer, la dépendance au financement extérieur sera maintenue. La majorité de la dette publique (98 % de sa part domestique et 76 % de sa part externe) est adossée à des obligations. De plus, avec 30 % de sa dette libellée en devises étrangères, le pays demeure exposé au risque de change. L'émission d'obligations souveraines en pesos dominicains en 2023 a contribué à atténuer ce risque. Le ratio d’endettement devrait renouer avec une trajectoire descendante grâce à la croissance et au maintien de l’excédent primaire.
Une réélection qui semble assurée, tensions avec Haïti
Le président Luis Abinader, du Parti Révolutionnaire Moderne (PRM, centriste), dispose d’une majorité au Congrès avec 18 des 32 sièges du Sénat et 92 des 190 sièges de la Chambre basse. Sa victoire à l’élection présidentielle de 2020 (52 % des voix) a mis fin à seize années de pouvoir du Parti de la Libération Dominicaine (PLD) de centre-gauche. Le président a annoncé briguer un second mandat, lors des prochaines élections générales prévues en mai 2024. Les élections primaires d’octobre 2023 ont marqué sa victoire très confortable (90% des voix). De plus, un sondage de novembre 2023 de Gallup-RCC Media atteste d’une forte popularité de son gouvernement, avec un taux d'approbation de 64% et 55% d'intentions de vote, excluant l’éventualité d'un second tour. Les principaux adversaires de L. Abinader, Leonel Fernández (président à trois reprises, pour le parti de gauche Force Populaire – FP – mais ancien membre du PLD jusqu’à 2019), et Abel Martínez (Parti de la libération dominicaine – PLD, au centre-gauche), devront mener une bataille difficile étant donné la popularité du président et les scandales de corruption émaillant leurs noms et leurs partis respectifs.
Le mandat de L. Abinader a été marqué par un renforcement de l’État de droit, l’adoption de projets d’aménagement du territoire (1127 rien qu’entre janvier et août 2023), et l’amélioration des régimes de sécurité sociale et les conditions socio-économiques des Dominicains. La criminalité, alimentée par le trafic de drogue et marquée par la violence armée, le blanchiment d’argent, la corruption et les problèmes d’alimentation en électricité, demeurent tout de même des défis majeurs.
L. Abinader a décidé de faire d’Haïti et de la lutte contre l’immigration haïtienne clandestine, deux de ses chevaux de bataille dans le cadre de sa campagne électorale. En septembre 2023, il a décidé de fermer la frontière pour riposter contre la construction privée d’un canal d’irrigation sur la rive haïtienne d’un cours d’eau binational. Les décisions fermes de M. Abinader concernant Haïti et l'immigration ont suscité la critique internationale et exacerbé le risque de sanctions économiques. Finalement, une réouverture partielle des frontières a eu lieu le 10 octobre 2023 dans le but de réactiver les exportations alimentaires basiques et de médicaments vers Haïti, tout en renforçant le blocus immigratoire. Les élections de 2024 marqueront probablement la réouverture totale des frontières, mais probablement pas la fin de la déportation de migrants clandestins haïtiens.