Regain de croissance soumis à l’environnement sécuritaire intérieur
En 2025, comme en 2024, la croissance économique – quoique toujours inférieure aux standards de la décennie 2010-2019 (6 % par an en moyenne) – devrait prolonger sa dynamique haussière en place depuis 2023, soutenue par l’agriculture, les services et la reprise des activités aurifères. Le rebond de la production d’or – mise à mal par la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina Faso en 2022 –, favorisé par la mise en service prochaine de la première raffinerie du pays, fait du métal précieux (80,4 % des exportations pour 18,2 % du PIB en 2023) un moteur essentiel du développement économique. La culture du coton (4,4 % des exportations en 2023) participe également au dynamisme de la croissance, de même que la vigueur des services (50,5 % du PIB en 2022), surtout des TIC et des services financiers, et de la construction, qui concentre la majorité des dépenses publiques d’investissement (11,2 % du PIB en 2023). Toutefois, ces perspectives optimistes restent dépendantes de l’évolution de la situation sécuritaire, alors qu’un environnement des affaires exécrable, dans un contexte socio-politique particulièrement dégradé, sape la confiance des investisseurs étrangers et privés. De même, le soutien international, presque exclusivement issu de prêteurs multilatéraux, diminue en comparaison avec la période antérieure au putsch de septembre 2022 (1,6 % du PIB en 2023 contre 2,5 % en 2021).
La consommation des ménages (68,3 % du PIB en 2023) devrait progresser, soutenue par une inflation modérée en 2025 (comme en 2024), grâce à la baisse des prix mondiaux des produits de base importés mais aussi des prix alimentaires domestiques, à la faveur de bonnes récoltes agricoles. En conséquence, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) – qui maintient son principal taux directeur inchangé à 3,5 % depuis décembre 2023 – devrait probablement assouplir sa politique monétaire dans le courant de l’année 2025. Néanmoins, la situation humanitaire demeure particulièrement préoccupante au Burkina Faso. Un quart de la population subsistait encore avec moins de 2,15 dollars par jour en 2023, alors qu’une grave insécurité alimentaire concerne 2,6 millions de personnes, dans un pays qui repose encore beaucoup sur l’agriculture de subsistance, malmenée par le changement climatique.
Assainissement des finances publiques sous l’égide du FMI
Le Burkina Faso poursuit son exercice de consolidation budgétaire, soutenu par le FMI. Le programme convenu entre les deux parties en septembre 2023, vise à davantage de discipline des comptes publics, en échange du versement de 302 millions de dollars sur quatre ans au titre de la FEC, dont 63,4 millions sont, en tout, déjà parvenus à destination en juillet 2024. Bien qu’encore supérieur à la norme communautaire de l’UEMOA (3 % du PIB), le déficit budgétaire devrait diminuer en 2024 et en 2025, grâce à une meilleure mobilisation des revenus (20,6 % du PIB en 2023 contre 17,9 % en 2021), alors que les dépenses militaires et sociales resteront élevées, pour répondre à la crise sécuritaire et humanitaire qui frappe le pays depuis 2022. Sous l’impulsion du FMI, le gouvernement entend donc mener de front plusieurs réformes, parmi lesquelles un élargissement de l’assiette fiscale, la suppression de certaines exemptions de taxe (TVA et impôt sur les sociétés) ou encore la réduction progressive de la subvention sur les carburants (1,5 % du PIB en 2023). Par ailleurs, la prochaine révision du code minier – qui portera à 15 % au lieu de 10 % la participation minimale de l’État dans les mines d’or en 2025 – devrait permettre d’augmenter les redevances tirées de leur exploitation, s’ajoutant à la hausse de production (même constat pour le coton) et du cours mondial. En hausse en 2024, en raison de la plus grande difficulté à mobiliser des emprunts externes concessionnels aux conditions plus avantageuses (élément don), le poids de la dette publique en pourcentage du PIB – dont seul le quart est détenu par des créanciers extérieurs – devrait s’alléger en 2025, à un niveau jugé soutenable par le FMI.
La balance commerciale devrait redevenir légèrement excédentaire d’ici 2025, en raison de la hausse escomptée des volumes d’exportation d’or et de coton, qui comptent pour la quasi-intégralité des revenus d’exportation du Burkina Faso. Dans le même temps, des cours mondiaux des carburants assagis (5,8 % des importations en 2023) contribueront à freiner la majoration de la facture des importations de biens. En revanche, les comptes des services et des revenus primaires resteront toujours largement déficitaires, respectivement à cause de la hausse des dépenses de fret de marchandises et du rapatriement de leurs bénéfices par les compagnies étrangères, deux postes logiquement affectés par les progrès de la production agricole et minière, mais aussi par difficultés d’acheminement par le refroidissement des relations avec Abidjan pour le premier. Un déséquilibre très partiellement compensé par un compte des revenus secondaires excédentaire, pourvu par les transferts de fonds de la diaspora et une aide internationale sur le déclin, mais dont une bonne partie prend la forme d’aide directe à l’investissement (inscrite au compte de capital, un moyen de s’assurer de la bonne utilisation des fonds pour les projets prévus. En conséquence, le déficit courant, financé par le recours au marché obligataire régional ainsi que par des prêts bilatéraux et multilatéraux, devrait tout de même s’amenuiser en 2024 puis en 2025.
Report des élections dans un contexte politique instable
Depuis 2015, l’insécurité au Sahel, conséquence de la pression permanente de groupes islamistes armés, a fait plusieurs milliers de morts et déplacé plus de 2 millions de Burkinabès, alors que près de la moitié du territoire reste hors de contrôle des autorités. Après un premier coup d’État militaire en janvier 2022, qui entraîne la destitution du président Kaboré par le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) – motivé par l’incapacité du gouvernement à contenir l’insurrection djihadiste –, le lieutenant-colonel Damiba est à son tour éconduit en septembre de la même année, au même motif que son prédécesseur. Le MPSR, toujours incapable d’enrayer la menace terroriste, et le Burkina Faso sont depuis dirigés par le capitaine Ibrahim Traoré, nommé président du Conseil National de la Transition, échappant lui-même à plusieurs tentatives de putschs. Prévues pour juillet 2024, les élections présidentielles n’ont pas eu lieu, reportées sine die pour des raisons sécuritaires, alors que le soutien de la population s’épuise progressivement et que la crise humanitaire s’aggrave. Le caractère autocratique du régime laisse cependant peu d’espoirs de voir se tenir des élections libres et transparentes.
Depuis septembre 2023, le Burkina Faso forme avec le Mali et le Niger, deux autres pays également tombés aux mains de juntes militaires, l’Alliance des États du Sahel, une coalition défensive en réponse à la menace d’intervention de la CEDEAO – dont ils se sont retirés en janvier 2024 avec effet en janvier 2025 – et aux sanctions régionales et occidentales (levées pour la plupart depuis lors). Le pacte s’est transformé en Confédération, en juillet 2024, afin d’aboutir à une intégration plus poussée. Enclavés, les trois pays membres profitent de la complaisance de la Guinée, qui leur accorde un accès à la mer. Alors que la coopération diplomatique et militaire avec la Russie gagne du terrain, les relations avec Paris se sont nettement dégradées. Après le retrait des forces françaises en février 2023, la France a aussi annoncé la suspension de ses aides au développement et de son appui budgétaire. À l’inverse, Ouagadougou bénéficie du déploiement de miliciens de la compagnie privée Africa Corps (ex-Wagner), dépendante du ministère russe de la Défense, en charge d’assurer la sécurité du capitaine Traoré, en plus d’instructeurs qui accompagnent l’armée sur le terrain.