Baromètre Risques pays et sectoriels : Zone de turbulences en vue ?

Cette analyse détaillée met en lumière le démarrage économique prometteur de l'Europe en 2024, la résilience de la Suisse et le paysage économique mondial plus large, en soulignant la nécessité de mesures financières et politiques stratégiques pour soutenir la croissance dans le contexte des défis actuels.

Panorama économique de l'Europe en 2024

Démarrage solide et perspectives positives

L'Europe connaît une étonnante relance économique. Le PIB de la zone euro a augmenté de 0,3 % au premier trimestre 2024, corrigé des effets de prix et des variations saisonnières. Bien que la France et l'Italie affichent une croissance modeste, elles conservent leur dynamisme. L'Espagne, bien qu'elle ait perdu une partie de son élan, reste forte. L'Allemagne devrait connaître une légère reprise économique, perceptible dans la seconde moitié de 2024 et reflétée dans le taux de croissance annuel de 2025. La consommation privée en Allemagne, soutenue par une croissance significative des salaires réels, est un moteur essentiel de cette reprise. En outre, les baisses de taux d'intérêt prévues par la BCE devraient améliorer les conditions de financement et stimuler l'investissement.

Le Portugal et l'Espagne au premier rang de la reprise économique 

Le Portugal et l'Espagne affichent une nette reprise économique, bénéficiant d'augmentations salariales substantielles et de recettes touristiques robustes. Malgré une baisse générale de la confiance des consommateurs en Europe occidentale, la demande de voyages reste forte, en partie en raison de l'effet de reprise post-pandémique. Ces facteurs, associés à une propension accrue à l'investissement soutenue par les programmes de l`Union européenne, ont conduit à une amélioration du risque pays à A2 pour les deux pays, les plaçant au même niveau que les Pays-Bas et la Belgique. La Norvège, le Danemark et la Suisse conservent quant à eux la note A1.

 

La résilience économique de la Suisse

Démarrage prometteur et hausse de l'investissement 

La Suisse a fait preuve d'une performance économique soutenue, avec une augmentation du PIB de 0,5 % au premier trimestre 2024. Cette croissance est due à une consommation privée solide et à des investissements importants. Bien que le commerce extérieur ait posé un défi au départ, il devrait s'améliorer considérablement, en particulier avec l'inclusion d'événements sportifs internationaux tels que l'EURO 2024 et les Jeux olympiques dans les statistiques d'exportation de services suisses. Malgré une légère hausse de l'inflation à 1,4 %, le taux d'inflation de la Suisse reste inférieur à l'objectif de 2 %, ce qui laisse une marge de manœuvre pour de nouvelles réductions des taux d'intérêt, qui amélioreraient les conditions de financement tant pour les particuliers que pour les entreprises.

Perspectives sectorielles

Le secteur de l'énergie en Suisse a fait l'objet d'une révision positive, passant d'un risque moyen à un risque faible. Cette évolution est attribuée à la bonne performance des grandes entreprises énergétiques appartenant aux cantons pendant la crise énergétique européenne, ce qui leur a permis d'augmenter leurs marges. Cependant, les défaillances d'entreprises en Suisse continuent d'augmenter, atteignant les niveaux les plus élevés depuis 2007.

 

Contexte économique mondial

Croissance et risques à l'échelle mondiale

L'économie mondiale a connu une légère amélioration au premier trimestre 2024, se remettant de la pandémie, du conflit russo-ukrainien et de la crise bancaire américaine. Alors que l'activité économique américaine s'est ralentie, les marchés émergents sont le moteur de la croissance mondiale. Les prévisions du PIB mondial pour 2024 ont été relevées à 2,5 %, avec une stabilisation attendue à 2,7 % en 2025. Malgré cela, des risques économiques, sociaux et politiques persistent, notamment la dissolution de l'Assemblée nationale française.

Les défis de la désinflation 

Les États-Unis sont confrontés à des défis en matière de désinflation, notamment en raison des coûts élevés des services et du logement. Le taux d'inflation PCE1 s'élève à 2,7 %, ce qui est supérieur à l'objectif de 2 % de la Fed. En Europe, l'inflation a rebondi à 2,6 % en mai 2024. La hausse des salaires peut stimuler la consommation mais pourrait également entraver la poursuite de la désinflation, entraînant potentiellement une détérioration du marché du travail et des marges des entreprises, ainsi qu'une augmentation des faillites.

 

Economies émergentes et dynamiques commerciales

Marchés émergents et politiques monétaires 

Les économies émergentes sont prêtes à accélérer, mais sont limitées par la prudence de la Fed en matière de réduction des taux d'intérêt. Alors que la BCE a commencé à assouplir sa politique monétaire, les marchés émergents ont dû ralentir leurs cycles de réduction des taux pour éviter l'inflation par les importations. Le Brésil, par exemple, n'a réduit son taux directeur que de 25 points de base en mai, après six baisses consécutives de 50 points de base. Le report de la Fed conditionnera également les politiques monétaires en Afrique et en Asie. Les banques centrales des principales économies émergentes n'ont pas encore commencé leur assouplissement monétaire, limitant l'ampleur de leur rebond économique pour 2024 et 2025.

Malgré ce calendrier décalé, les pays d'Asie du Sud-Est comme le Vietnam et les Philippines devraient atteindre des taux de croissance supérieurs à 6 %. L'Inde devrait atteindre une croissance de 6,1 %, malgré un léger ralentissement. Le continent africain quant à lui devrait également connaître une croissance robuste, avec des économies clés (Nigeria, Égypte, Algérie, Éthiopie, Maroc et, dans une moindre mesure, Afrique du Sud) dépassant une croissance de 4 %.

Barrières douanières américaines et tensions commerciales 

L'annonce, le 14 mai, d'une forte augmentation des droits de douane sur les importations de produits chinois confirme la détermination des États-Unis à contrer la Chine dans ses secteurs stratégiques. La semaine dernière, l'Union européenne a adopté des mesures similaires, imposant des droits de douane supplémentaires allant jusqu'à 38 % sur les véhicules électriques chinois. Des pays comme l'Inde et le Brésil ont déjà pris des mesures similaires, augmentant le risque de tensions commerciales mondiales. Ce contexte pourrait faire du Mexique et du Vietnam les principaux bénéficiaires de cette réorganisation, grâce au transbordement de produits chinois. Bien que les liens commerciaux entre les États-Unis et la Chine semblent s'être affaiblis, il serait prématuré à ce stade de conclure à un découplage entre les deux puissances.

Outre la décision de l'administration actuelle, les promesses de campagne du candidat Trump de mettre en place des droits de douane mondiaux de 10 % alimentent les inquiétudes autour de la politique commerciale américaine, tout en accentuant les craintes de fragmentation du commerce mondial.

Dans un contexte géopolitique de plus en plus incertain, une escalade des barrières douanières signifierait des coûts plus élevés pour les entreprises, contribuant au risque d'un avenir plus inflationniste.

 

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1- L'indice PCE (Personal Consumption Expenditures) est le baromètre de l'inflation préféré de la Réserve fédérale américaine. L'indice PCE prend en compte les données sur les prix fournies par les entreprises, et non par les consommateurs.