Dans la lignée de la reprise économique en Afrique de l’Ouest
La croissance togolaise continuera à se maintenir à un niveau confortable en 2023 et 2024, principalement soutenue par la consommation des ménages (73% du PIB). Ces derniers resteront néanmoins dépendants de la marche du secteur agricole (18% du PIB et deux tiers des emplois), notamment de la relance de la filière cotonnière en 2024, après trois saisons consécutives de baisse de production majoritairement due aux mauvaises conditions météorologiques. Or, les désordres climatiques attendus, liés au phénomène El Niño, risquent de peser sur les rendements des principales cultures du pays. Le prix encore élevé des engrais, malgré les subventions mises en place en 2022, sera également un frein à la reprise du secteur. Néanmoins, ce dernier bénéficiera d’investissements publics visant à soutenir le secteur privé dans la transformation sur place de produits agricoles. De plus, le gouvernement poursuivra ses investissements dans les secteurs de la santé et de la défense via la construction d’infrastructures sanitaires et militaires. Les services bénéficieront du dynamisme de l’activité portuaire, qui sera néanmoins pénalisée par les sanctions appliquées au Burkina et au Mali, qui utilisent traditionnellement les infrastructures portuaires togolaises, mais avec lesquels les relations se sont tendues. Le gouvernement compte moderniser les installations du port de Lomé, tout en augmentant sa capacité annuelle de traitement des marchandises, ce qui encouragera les exportations du pays. En dépit de la méforme ghanéenne qui les freine, les exportations sont tirées par la suppression par la Chine, depuis le 1er septembre 2022, de 98% de ses droits de douane sur ses importations en provenance du Togo, ainsi que de huit autres pays africains. Cependant, les prévisions d’activité sont sujettes à l’évolution de la situation inflationniste. Après une hausse du niveau général des prix en 2022, liée aux conséquences inflationnistes de la guerre en Ukraine, les pressions se relâchent progressivement grâce au resserrement des politiques monétaire et fiscale, couplé à la baisse des prix alimentaires et pétroliers. Dans le sillage de la Banque Centrale Européenne, la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pourrait mettre fin, après un ultime resserrement fin 2023, à la hausse de son taux directeur, qui avait été amorcée en juin 2022, afin de contenir l’inflation au sein des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA).
Une légère amélioration des déficits jumeaux
La situation budgétaire du Togo s’est fortement détériorée en 2022 en raison des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises prises par le gouvernement en réponse à l’augmentation de l’inflation. La hausse des subventions sur les carburants, les exonérations fiscales et les augmentations des salaires publics et des pensions de retraite ont ainsi contribué au creusement du déficit. En parallèle, le gouvernement a dû débloquer des fonds d’urgence (2% du PIB), pour faire face à l’insécurité grandissante dans la région de Savanes au Nord du pays, théâtre d’incursions djihadistes. La situation s’améliorera en 2023 et 2024 en raison du relâchement des pressions inflationnistes, permettant une réduction progressive des subventions, et de la poursuite des réformes du gouvernement en matière de gestion des finances publiques. L’Etat tentera également d’optimiser ses recettes en poursuivant sa lutte contre la fraude et l’évasion et en élargissant l’assiette fiscale. Néanmoins, les exonérations douanières sur les importations de matériaux et d’équipements visant à promouvoir la transformation locale continueront de peser sur les recettes du gouvernement à l’instar des dépenses sociales. Par ailleurs, les comptes extérieurs du Togo se sont aussi détériorés en 2022, la valeur des importations excédant davantage celle des exportations dans un contexte de prix mondiaux élevés des denrées alimentaires et de l’énergie. La diminution du déficit courant, débuté en 2023, devrait se poursuivre en 2024, sous l’effet de la réduction du déficit commercial, avec le développement des exportations agroalimentaires, ainsi que textiles. En revanche, l’excédent de la balance des services se réduira avec le ralentissement de l’activité de réexportation portuaire. Enfin, l’excédent des revenus secondaires devrait légèrement s’accroitre, en lien avec les envois de fonds des travailleurs expatriés. Le déficit sera principalement financé par des emprunts régionaux. Le Togo reste exposé à un risque de surendettement jugé modéré par le FMI. Néanmoins, le poids de la dette publique dans le PIB, majoritairement intérieure et régionale (60%, mais 83% du service total), augmentera légèrement en 2023 et 2024. Sa part extérieure est détenue à 60% par les créanciers multilatéraux et à 37% par les créanciers commerciaux.
Entre stabilité politique et troubles sécuritaires
Le président actuel, Faure Gnassingbé a accédé à la présidence du Togo en 2005 dans le sillage de sa famille qui dirige le pays depuis 1967 Il a été réélu en 2020 pour un quatrième mandat de 5 ans à la suite d’élections entachées d’accusations de fraude. Le parti présidentiel au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), détient actuellement 59 des 91 sièges que compte l’Assemblée nationale et devrait pouvoir conserver sa majorité lors des élections législatives d’avril 2024. La faiblesse de l’opposition est essentiellement due aux bons résultats économiques (hors période Covid) et à la fermeté du gouvernement. Néanmoins, l’absence de calendrier électoral à deux mois des élections inquiétait l’opposition, tandis que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), chargée d’organiser les élections, est constituée majoritairement de membres soutenant le régime. En ce qui concerne la sécurité, le Togo a déclaré l’état d’urgence le 13 juin 2022 dans la région septentrionale des Savanes en raison des incursions des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique. Basés au Sahel, notamment au Burkina Faso, ces groupes cherchent à s’installer au Nord du Togo. Bien que les forces de sécurité y renforcent leur présence, la menace subsiste et l’état d’urgence a été prolongé, pour la deuxième fois, en mars 2023, pour 12 mois. Par ailleurs, le Togo continuera d’entretenir d’excellentes relations avec la Chine, qui restera sa principale créancière extérieure (avec 21% du total) au travers de la China Eximbank, ainsi que sa principale partenaire commerciale. Les relations avec le Fonds monétaire international et les partenaires occidentaux peuvent parfois être compliquées par les questions de gouvernance, mais le pays fait valoir son rôle dans la sécurité régionale. A cet égard, le Togo continuera à entretenir des relations étroites avec la France, ainsi qu’avec les autres pays ouest-africains préoccupés par le danger islamiste.