Une croissance modérée
En 2024, la croissance restera modérée, négativement impactée par la molesse de la consommation privée (65% du PIB). Celle-ci continuera de souffrir de l’érosion des salaires réels et du coût élevé des emprunts, en dépit de l’allègement des pressions inflationnistes lié au ralentissement des prix du carburant et des denrées alimentaires. De plus, la méforme des pays européens risque de peser sur l’envoi de remises de la part des travailleurs expatriés, principalement en provenance de Croatie, de Serbie, d’Allemagne et d’Autriche, ce qui restreindra également le pouvoir d’achat des ménages. La croissance sera néanmoins soutenue par l’investissement public, notamment via des projets d’infrastructures à grande échelle. Ainsi, l’achèvement de quatre nouveaux tronçons de l’autoroute corridor Vc, prévu pour 2024, portera à 63 le nombre de kilomètres construits sur les 212 financés par des prêts de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, de la Banque européenne d’investissement, ainsi que des subventions européennes. Le projet, long de 335km, reliant le nord au sud du pays, vise à améliorer la connectivité de la Bosnie avec ses voisins, notamment la Croatie, et permettra de stimuler les perspectives du secteur touristique, dont l’expansion devrait également soutenir la croissance en 2024.
Les déficits jumeaux se maintiendront en 2024
Le déficit courant se réduira très modestement en 2024, la croissance des exportations surpassant celle des importations. L’excédent des services, bien qu’insuffisant pour compenser le large déficit de la balance des biens, contribuera à cette amélioration grâce aux bonnes performances du secteur touristique. Celles-ci resteront néanmoins soumises à la situation économique en Europe, région d’origine de la majorité des touristes. De plus, les remises des travailleurs expatriés continueront d’entretenir le solde positif de la balance des revenus secondaires, même si leur flot pourrait également se réduire avec la modération de la croissance européenne. En revanche, la charge de la dette continuera de peser sur le déficit primaire.
Par ailleurs, le déficit budgétaire s’accentuera légèrement en 2024 sous l’effet de l’accroissement modéré des dépenses d’investissement, tandis que les recettes resteront sensiblement au même niveau. Les élections locales d’octobre 2024 devraient également engendrer une pression à la hausse sur les dépenses, à l’instar de la rémunération des employés du secteur public. Par ailleurs, la viabilité de la dette publique continuera d’être assurée, son niveau, déjà faible, continuant sa trajectoire descendante .
Des négociations d’adhésion à l’UE compromises par une fragmentation ethnique exacerbée
En 2024, la complexité institutionnelle et les dissensions ethniques continueront de ralentiront les négociations d’adhésion de la Bosnie à l’Union Européenne. En effet, à la suite des accords de Dayton (1995), la Bosnie-Herzégovine a été divisée en deux entités autonomes : la Fédération de Bosnie-Herzégovine (FBiH) à dominante bosniaque et croate, et la Republika Srpska, à dominante serbe, auxquelles s'ajoute le district de Br?ko géré par l'État central. Ce dernier dispose de très peu de compétences, l’essentiel étant concentré dans les deux entités autonomes, et est dirigé par une présidence collégiale tricéphale élue pour quatre ans qui représente les trois ethnies, avec une rotation des présidents tous les huit mois et un fonctionnement basé sur le consensus. A la suite des élections générales d’octobre 2022, le Conseil des ministres, exerçant la fonction de gouvernement central, a été élu fin janvier 2023, avec l’appui de 23 parlementaires de la Chambre des Représentants sur 42, issus de huit partis. Il est dominé par deux principaux partis, à savoir les ethno-nationalistes serbes (SNSD) et les ethno-nationalistes croates (HDZ BiH). Depuis lors, des mesures ont été prises dans le but de se conformer aux 14 exigences de l’UE à la suite de l’octroi du statut de candidat, à l’instar de réformes électorales et de la définition de stratégies concernant la lutte contre le crime organisé, le blanchiment d’argent ou la gestion des migrations. Actuellement, seuls les candidats se réclamant de l’une des trois ethnies peuvent se présenter aux élections. Ces réformes resteront soutenues par le plan de croissance de 6 milliards d’euros proposé par l’UE aux pays des Balkans candidats. Les fonds devraient être répartis entre des subventions, pour 2 milliards, et des prêts, pour 4 milliards, et décaissés, à la fois, en amont, afin d’aider les pays à accélérer leurs réformes, et en aval de la complétion des objectifs annuels fixés. Néanmoins, le projet séparatiste du président de la Republika Srpska, Milorad Dodik, réélu en octobre 2022 à la suite d’élections controversées, après avoir exercé ce mandat de 2010 à 2018, continuera d’attiser les tensions entre les deux entités autonomes et de retarder les négociations d’adhésion à l’UE. Les désaccords se sont intensifiés avec son inculpation, en août 2023, par les procureurs de l’Etat, pour avoir signé des lois suspendant les décisions de la Cour constitutionnelle et du Haut- Représentant des Nations-Unies pour la Bosnie. Le procès, déjà par deux fois reporté, devrait se tenir début 2024, cristallisant encore davantage les tensions. La proximité de Milorad Dodik avec la Russie continuera également de renforcer les dissensions. Par ailleurs, l’Etat central cultivera ses relations avec la Croatie, avec qui elle entretient des liens économiques forts en termes de volumes de biens échangés et d’investissements. La construction d’un gazoduc entre les deux pays est ainsi prévue pour 2024. Celle-ci risque néanmoins d’être retardée, si le parti des Croates de Bosnie, le HDZ BiH, insiste pour que l’opérateur bosniaque du gazoduc soit une société basée à Mostar, une région à majorité croate, et non la société gazière BH-Gas établie à Sarajevo, initialement choisie pour le projet.