Une croissance tirée par les investissements pétroliers
En 2023, l’industrie (construction) et les services (commerce, tourisme), côté offre, et la demande intérieure, côté demande ont été les principaux moteurs de la croissance, bien que l’agriculture reste la première employeuse du pays (72%) et soutienne les exportations. En 2024, la contribution des importations nettes à la croissance restera négative, puisque la hausse des importations sera plus forte que celle des exportations (café, or, sucre, poisson), du fait des larges dépenses dans les infrastructures pétrolières. L’investissement privé, domestique et étranger, soutiendra la croissance et sera notamment destiné à la construction, pour une large part dans le cadre au développement du secteur pétrolier. Il viendra alimenter les projets engagés en 2023 par les entreprises chinoise, China National Offshore Oil Corporation, et française, Total Energies, respectivement sur les champs pétroliers de Kingfisher et Tilenga, à l’ouest du pays. Ces zones de forage devraient être liées au port de Tanga en Tanzanie via un oléoduc chauffé de 1443km, dont le lancement de la construction a été repoussé à début 2024. L’exécution du projet reste incertaine face à l’indignation internationale au sujet des menaces pesant sur l’environnement et les droits humains. Par ailleurs, le gouvernement continuera de chercher des financements et partenaires extérieurs pour la construction d’une raffinerie près des gisements pétroliers, pouvant produire 60 000 barils par jour et dont le coût s’élèverait à 4 milliards de dollars. La consommation privée (72% du PIB) continuera de croître, se remettant progressivement de multiples chocs (Covid19, guerre en Ukraine, Ebola), profitant du développement du tourisme, bien que concurrencé par la Tanzanie et le Kenya et fragilisé par l’insécurité dans les parcs nationaux situés à la bordure congolaise. Elle bénéficiera également du ralentissement progressif des prix des transports, de l’énergie et des denrées alimentaires, même si encore situés à des niveaux élevés. Les tensions inflationnistes seront atténuées par la réduction des problèmes d’approvisionnement et la baisse des prix mondiaux. La croissance étant relativement forte et l’inflation rejoignant sa cible de 5%, la Banque d’Ouganda continuera de diminuer son taux, déjà abaissé à 9,5% en août 2023.
L’assainissement budgétaire se poursuit
En 2023/2024, le déficit budgétaire poursuivra sa baisse, soutenue par des réformes de gouvernance et d’administration. L’objectif est de rééquilibrer les dépenses, en réduisant celles en capital non-prioritaires au profit des dépenses sociales, et d’optimiser la taxation en supprimant les exonérations d’impôt. L’assainissement budgétaire est guidé par le programme triennal, assorti d’une Facilité élargie de crédit d’1 milliard d’USD, conclu avec le FMI en juin 2021, dont 720 millions ont déjà été déboursés. Ainsi, les dépenses courantes (salaires, intérêts, sécurité) et de développement (éducation, eau, électricité, transport) devraient augmenter, mais de moins que les recettes. Ces dernières sont essentiellement issues de l’impôt, mais le pays devrait continuer de bénéficier d’aides-projets (1,5% du PIB). Néanmoins, l’accès à ces futures aides et aux autres financements extérieurs est menacé par la dégradation des liens avec les pays occidentaux, suite à la promulgation de la loi anti-homosexualité en mai 2023. En août, la Banque Mondiale a annoncé la suspension de nouveaux financements, tant que le texte ne sera pas abrogé ou amendé. Toutefois, le gouvernement continuera de miser sur les emprunts extérieurs, notamment auprès de la Chine, pour financer son déficit. L’assainissement budgétaire et la croissance permettront de légèrement réduire le poids de la dette publique, essentiellement externe (à 60%).
Le déficit courant s’est légèrement réduit en 2022/2023 grâce à la baisse du prix du pétrole et à la reprise des exportations d’or. Celles-ci avaient disparu, de juillet 2021 à juin 2022, conséquence de l’instauration d’une taxe à l’exportation de 10% sur l’or non raffiné et de 5% sur le raffiné. Après négociation avec les professionnels du secteur, une taxe de 5% sur l’export d’or brut et un prélèvement de USD 200 par kilo d’or raffiné ont été instaurés début 2023, mais la perception de la taxe a été suspendue. 90% de l’or exporté provient illégalement de la RDC et est majoritairement acheminé clandestinement via l’aéroport d’Entebbe en direction de Dubaï. 70% de l’or exporté est brut, malgré la présence de cinq raffineries. L’Ouganda souhaite tirer profit de ses réserves aurifères en créant notamment une société minière d’Etat, dans le cadre de sa nouvelle législation minière adoptée en 2022. Le démarrage de la mine de Busia, exploitée par la société chinoise Wagagai, au printemps 2024, va augmenter l’extraction locale d’or, qui sera raffiné, avant d’être exporté légalement. Cela procurera un supplément de recettes pour l’Etat, surtout sur l’exercice 2024-2025. La balance commerciale étant structurellement déficitaire, car dépendante des importations pétrolières, alimentaires et de biens intermédiaires et d’équipement, le gouvernement poursuivra donc sa stratégie de diversification économique en 2023/2024. Les importations de services techniques et de biens d’équipement requises pour le développement pétrolier augmenteront, ainsi que les frais de transport majorés par l’enclavement, qui creuseront le déficit commercial et celui des services. Le déficit des revenus primaires sera obéré par le rapatriement des bénéfices par les non-résidents, mais largement compensé par le surplus des revenus secondaires, soutenu par les remises d’expatriés et l’aide des organisations caritatives. Le déficit courant sera financé par les investissements directs étrangers dans le secteur pétrolier (il s’agit de la contrepartie d’une bonne partie des importations) et les prêts concessionnels.
Des menaces sécuritaires à la frontière congolaise
Réélu en 2021, le président Yoweri Museveni est au pouvoir depuis 1986, et aura 82 ans à la prochaine élection présidentielle de 2026. Son parti, le Mouvement de résistance nationale (NMR), est majoritaire à l’Assemblée et exerce un fort contrôle sur le pays. Toutefois, des manifestations émergent ponctuellement en raison de la corruption, des inégalités, du coût de la vie et des projets pétroliers contestés ; le gouvernement n’hésitera pas à user de la force. En raison de la croissance démographique élevée (3%) et de la jeunesse de la population, chaque année, des centaines de milliers d’individus intègrent le marché du travail, accentuant le chômage des jeunes et la forte informalité (87,2% de l’emploi urbain est informel).
En 2024, l’armée restera engagée à l’est de la République démocratique du Congo, où elle lutte, auprès de l’armée congolaise, depuis 2021, contre le groupe rebelle M23 et les Forces démocratiques alliées (ADF), rebelles islamistes d'origine ougandaise réfugiés en RDC. Leurs attaques en Ouganda se sont multipliées en 2023. Le Rwanda est accusé de soutenir les groupes rebelles, ce qui risque d’entraver le rapprochement des deux pays. L’Ouganda continuera d’entretenir des relations commerciales auprès de ses partenaires de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), et notamment la Tanzanie, via la planification du projet transfrontalier EACOP. Les liens avec les pays occidentaux se sont dégradés à la suite de la promulgation de la loi antihomosexualité. Le pays restera dépendant des importations et investissements pétroliers chinois et indiens, et poursuivra son rapprochement avec la Russie (projet de construction de centrales nucléaires).