Même légèrement ralentie par l’impact sur la consommation des ménages de l'augmentation des coûts des importations alimentaires et de carburants provoquée par la crise du transport maritime en mer Rouge, la croissance économique restera forte en 2024. Alors que cet effet pourrait s’estomper en 2025, d’autant qu’une baisse des prix mondiaux des matières premières est attendue, la croissance continuera de profiter de la vigueur des réexportations (représentant 92% des exportations de biens) de et vers l'Éthiopie, qui a retrouvé son dynamisme, ainsi que par les services logistiques, notamment de transbordement, qui semblent profiter des déboires subis par d’autres ports de la région en raison des actions houthies. De plus, la construction devrait jouer un rôle clé dans la croissance, stimulée par une demande accrue en logements.
En outre, la politique économique suivra la stratégie nationale pluriannuelle « Vision 2035 », visant à renforcer la position de Djibouti en tant que hub régional portuaire et logistique. Dans ce cadre, une augmentation des investissements dans les infrastructures de connectivité régionale est attendue. Les projets phares s’inscrivent dans la poursuite du développement de la zone franche industrielle (la troisième du pays) du port de Damerjog (DDID FTZ), prévue sur la période 2018-2033, pour un coût estimé à USD 4 milliards. Parmi ces projets figurent la finalisation du terminal de la jetée pétrolière et la construction d'un dépôt de stockage de pétrole, financés par une facilité accordée en 2023 par la Banque africaine d'import-export (USD 120 millions) et la Banque pour le commerce et l'industrie- Mer Rouge détenue par la BRED et l’Etat djiboutien (USD 35 millions). Un autre projet majeur concerne la construction d'une raffinerie de pétrole par une compagnie pétrolière saoudienne dans la DDID, commencée en juin 2024 et estimée à USD 12,7 milliards.
Toutefois, l'économie djiboutienne reste vulnérable à divers risques, notamment une extension de la détérioration du commerce maritime régional et une possible rechute de l'économie éthiopienne, si les conflits internes au pays s’intensifient.
Des progrès dans les recettes de l’Etat et la renégociation de la dette
Les recettes de l'État devraient être renforcées en 2024 et 2025 par l'augmentation des recettes douanières et de transit, soutenues par la hausse attendue des réexportations de et vers l'Éthiopie, ainsi que par l’augmentation du loyer versé par la France pour la location de sa base militaire, décidée dans le cadre du renouvellement du Traité de coopération en matière de défense (TCMD) en juillet 2024. En outre, conformément au budget des exercices 2024/2025, les recettes fiscales bénéficieront de l'élargissement du champ d'application de l'impôt minimum fixe aux exportations de biens et services, ainsi que de l'extension de la TVA aux travailleurs indépendants. Le budget prévoit également une réduction des dépenses courantes, notamment par le remplacement des subventions sur les carburants par des transferts sociaux mieux ciblés. De plus, Djibouti a suspendu, depuis janvier 2023, le service de sa dette contractée auprès de la Banque d'export-import de Chine (Exim Bank China). Par la suite, un accord préliminaire sur un moratoire a été conclu en octobre 2023. Par conséquent, le déficit public devrait diminuer en 2024 et 2025.
Cependant, Djibouti demeure à haut risque de surendettement, particulièrement en raison de l'importance de la dette contractée auprès de la Banque d'exportation et d'importation de Chine (37% du PIB à la fin de 2023). Le stock des arriérés accumulés depuis la suspension du paiement du service de la dette représentait déjà 6% du PIB fin juin 2023 (78% de ces arriérés concernant l’Exim Bank China). Cette dette, contractée à des conditions commerciales, a principalement servi à financer des infrastructures majeures, telles que la ligne de chemin de fer et l'aqueduc reliant Djibouti à l'Éthiopie, ainsi que l’extension du port de Doraleh. L’accord préliminaire de moratoire sur le service de cette dette a été conclu en octobre 2023, pour une durée 4 ans, avec application rétroactive à janvier,, pour les seules infrastructures ferroviaires et d’approvisionnement en eau, les installations portuaires n’étant pas concernées. Des discussions se poursuivent sur les modalités du moratoire, en particulier les taux d'intérêt et le calendrier des échéances. Parallèlement, Djibouti a entamé des négociations avec l'Inde (son deuxième créancier bilatéral), ainsi que des pourparlers avec le Club de Paris pour obtenir des conditions similaires.
L'excédent du compte courant pourrait légèrement se réduire en 2024 et 2025, principalement en raison de la baisse de l'excédent de la balance commerciale (incluant les réexportations), liée à l'augmentation des importations nécessaires aux grands projets de développement de la zone franche de Damerjog (DDID). Nonobstant, une augmentation de l'excédent du compte des services est attendue, portée par la croissance des recettes liées aux services logistiques et au transit de et vers l'Éthiopie. En outre, le déficit des revenus primaires devrait légèrement s’accroître en raison de la hausse des rapatriements de bénéfices par les entreprises étrangères, notamment chinoises, malgré la suspension du paiement d’une partie des intérêts de la dette vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, Djibouti continuera de dégager un excédent des revenus secondaires grâce aux recettes issues de la location de terrains pour les bases militaires étrangères, avec une hausse significative du loyer versé par la France, décidée dans le cadre du renouvellement du TCMD. En outre, les réserves de change devraient rester à un niveau confortable, couvrant 4,7 mois d’importations (en excluant celles destinées à la réexportation) à la fin de 2023.
Une stabilité politique et sociale relative
Le président Ismail Omar Guelleh, en fonction depuis 1999, a entamé son cinquième mandat en 2021, récoltant 98 % des voix. Âgé de 77 ans, il dépasse désormais la limite d'âge pour se porter candidat à la prochaine élection prévue en 2026. Afin de contourner cette restriction, il envisage une réforme constitutionnelle en 2025, ce qui pourrait constituer une source de tensions. Sa coalition, l'Union pour la majorité présidentielle (UMP), a consolidé son pouvoir en remportant 58 des 65 sièges lors des élections législatives de février 2023. Les partis d'opposition, à l'exception de l'Union djiboutienne pour la démocratie et la justice (UDJ), qui a obtenu 7 sièges, ont boycotté ces élections, les considérant inéquitables. De plus, le sentiment de marginalisation économique et politique des populations Afars pose problème. Une fraction radicale du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie (FRUD), un groupe d'opposition représentant les Afars, une ethnie aussi présente en Ethiopie, mène, depuis 1994, des actions armées contre le gouvernement dominé par les Issas, d'origine somalie, qui représentent 60 % de la population.
En juillet 2024, après deux ans de négociations, Djibouti et la France ont renouvelé leur Traité de coopération en matière de défense (TCMD) pour une durée de 10 ans. Cet accord permet à la France de prolonger l'exploitation de sa plus grande base militaire à l'étranger, qui accueille 1 500 militaires. En contrepartie, la France verse une contribution forfaitaire et assure la défense aérienne de Djibouti. D’autre part, Djibouti s'est positionné comme médiateur pour apaiser les tensions entre l'Éthiopie et la Somalie (liés à la signature d'un accord-cadre entre l'Éthiopie et la région séparatiste du Somaliland), en proposant un accord de gestion partagée de son port de Tadjoura avec l'Éthiopie. En outre, les relations avec les Émirats Arabes Unis resteront tendues. En juillet 2024, le tribunal de Columbia, à Washington, a rendu exécutoire une sentence arbitrale de USD 294,2 millions contre Djibouti pour la résiliation unilatérale, en 2018, du contrat de concession du terminal à conteneurs de Doraleh, initialement attribuée à la société émiratie DP World.
2022
2024(p)
Croissance PIB (%)
3,7