La politique tarifaire de l'administration américaine, menée par le président Trump, pourrait entraîner une hausse des prix, une augmentation du chômage et de l'inflation, voire déclencher une crise de la balance des paiements. Ces développements posent des défis stratégiques majeurs, en particulier pour une économie suisse hautement spécialisée et tournée vers l’exportation.
Une guerre commerciale aux conséquences globales
L’escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine engendre des risques économiques importants à l’échelle mondiale. Un scénario de référence indique que l’économie américaine pourrait entrer en récession sous le poids combiné de l’incertitude des marchés et de la pression tarifaire accrue. Cette situation toucherait directement de nombreux secteurs industriels et aurait des répercussions indirectes sur les économies exportatrices comme la Suisse.
Un effondrement des importations et des prix industriels en forte hausse
Les nouveaux droits de douane imposés sur les biens importés aux États-Unis pourraient provoquer un effondrement des importations, rendant certains produits non rentables, tout en faisant flamber les prix d'autres, notamment dans l’industrie. Ce phénomène impacterait particulièrement les échanges de biens intermédiaires, essentiels dans des secteurs tels que l’automobile, les batteries, la machinerie, la chimie, les meubles, les jouets et les métaux.
Dans le cadre de ce scénario de base, la consommation intérieure américaine ralentirait, le taux de chômage grimperait jusqu’à 6 %, les faillites d'entreprises augmenteraient, et l'inflation passerait de 2,4 % (mars 2025) à environ 4 % d’ici décembre de la même année.
Un scénario plus grave : la crise de la balance des paiements
Un scénario plus pessimiste – bien que jugé moins probable – envisage une véritable crise de la balance des paiements. Ce scénario repose sur l’hypothèse selon laquelle le déficit commercial américain, actuellement financé par des afflux de capitaux étrangers, ne pourrait plus l’être si le statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale venait à être sérieusement remis en cause.
Dans cette éventualité, ces flux financiers cesseraient, voire s’inverseraient, provoquant une dépréciation du dollar. Cette baisse de la monnaie rendrait les importations encore plus coûteuses, ferait grimper les rendements des bons du Trésor, alourdirait le coût de la dette publique américaine, et plongerait l’économie dans une récession prolongée.
Des signaux précurseurs de ce scénario commencent à émerger. Depuis le 2 avril, le dollar est passé de 0,93 à 0,88 face à l’euro, les rendements des obligations américaines ont augmenté de 50 points de base, et l’indice boursier S&P 500 a chuté de 7,6 % depuis le début de l’année.
Même si certains droits de douane étaient annulés, assouplis ou transformés en accords commerciaux, le message est clair : la stabilité macroéconomique et financière, tant aux États-Unis qu’à l’échelle mondiale, peut être mise en péril par des choix politiques risqués.
La Chine amortit partiellement le choc par la relance intérieure
Dans le cas chinois, le choc tarifaire est atténué grâce à des mesures de relance économique interne. Cette approche se montre efficace, notamment parce que les ventes domestiques représentent 81 % du chiffre d’affaires des entreprises industrielles chinoises, alors que les exportations directes vers les États-Unis ne représentent que 2,7 % de ce total.
Le rôle de la Chine dans l’équilibre commercial international
Sur le plan budgétaire, les autorités chinoises pourraient privilégier des mesures orientées vers la demande intérieure. Mais si la guerre commerciale se poursuit, le risque est qu’elle s’étende à d’autres partenaires économiques. Pour éviter ce scénario, la Chine cherche à renforcer ses relations commerciales avec des économies exportatrices attachées au multilatéralisme, telles que le Japon, la Corée du Sud, les pays d’Asie du Sud-Est et l’Europe.
Cependant, pour parvenir à cette coopération élargie, Pékin devra également rassurer ces partenaires sur ses pratiques commerciales, notamment en ce qui concerne les accusations de dumping.
La position stratégique et vulnérable de la Suisse
Dans ce contexte, la Suisse se retrouve dans une position délicate, coincée entre deux géants économiques. Ces dernières années, la part des exportations suisses vers la Chine a augmenté de manière continue, atteignant 11 % en 2023. Dans le même temps, les États-Unis représentaient 15 % des exportations suisses la même année, malgré un léger recul.
Les secteurs suisses les plus exposés aux tensions commerciales – produits chimico-pharmaceutiques, instruments de précision (notamment en medtech), métaux et produits métalliques – constituent plus de 60 % du total des exportations helvétiques. Une forte dépendance qui rend l’économie suisse particulièrement sensible aux soubresauts du commerce international.
Une nécessité d’anticipation pour les entreprises suisses
Dans un environnement géopolitique instable et marqué par des décisions unilatérales, les entreprises suisses doivent anticiper les évolutions des marchés mondiaux. Diversification, innovation, et renforcement des relations avec des marchés multilatéraux seront essentiels pour assurer la résilience de l’économie helvétique face à la volatilité internationale.