Groenland : entre indépendance et convoitises géopolitiques

Les récentes déclarations de Donald Trump, affirmant qu'il n'exclurait pas des mesures économiques ou militaires pour prendre le contrôle du Groenland, ont replacé ce territoire sous le feu des projecteurs. Elles ont suscité des réactions de la part des premiers ministres danois et groenlandais, ainsi que d'autres dirigeants européens et de l'OTAN. Une question essentielle se pose : que cherche Trump et pourquoi cette île revêt-elle une telle importance stratégique pour lui ?

Groenland : une économie fortement dépendante de la pêche et du soutien danois

Avec moins de 60 000 habitants, le Groenland est une petite économie autonome au sein du Royaume du Danemark, aux côtés des îles Féroé. Bien qu’il gère la plupart de ses affaires internes grâce à son « Home Rule », le Danemark conserve la main sur les questions majeures comme la défense, la politique monétaire et la citoyenneté. Tous les Groenlandais sont ainsi citoyens danois avec les mêmes droits que ceux vivant au Danemark.

L’économie repose principalement sur l’industrie de la pêche, un tourisme en développement et une activité minière encore limitée. Le secteur public représente environ 50 % des emplois. De plus, le pays dépend largement du soutien financier du Danemark via le « bloktilskud », une subvention couvrant près de la moitié des revenus publics. Sur le plan commercial, le Danemark absorbe 50 % des exportations groenlandaises et fournit 60 % de ses importations.

Élections et référendum d’avril 2025 : l'indépendance en question

Le Groenland organisera des élections locales en avril 2025, et l'indépendance devrait être un sujet central. Parallèlement, un référendum sur l’avenir du territoire pourrait être organisé, bien que les modalités précises restent à définir.

Múte B. Egede, actuel premier ministre et leader du parti Inuit Ataqatigiit, favorable à l’indépendance, a déclaré lors de son discours du Nouvel An que la future législature mettrait en place une commission pour encadrer ce référendum. Cette annonce suit la mise en place, en 2023, d’un comité chargé d’élaborer une constitution groenlandaise, qui entrerait en vigueur en cas d’indépendance.

Si la commission en charge du référendum aboutit à un cadre défini, un vote pourrait être organisé. En cas de victoire du « oui », le parlement danois devra valider l’indépendance – une démarche probable, bien que le gouvernement danois ait récemment cherché le soutien de partenaires européens face aux pressions américaines concernant le Groenland.

L’indépendance reste une aspiration populaire. En 2016, 64 % des habitants la jugeaient « assez importante » [1]. Toutefois, en 2017, près de 80 % des citoyens et responsables politiques s’inquiétaient d’une éventuelle dégradation de leurs conditions de vie si le pays perdait la subvention danoise [2].

Des questions clés restent en suspens : politique monétaire, infrastructures, main-d’œuvre qualifiée… Ainsi, même si un référendum venait à être organisé, il semble improbable qu’une indépendance soit actée à court terme. Même en 2025, peu de partis souhaitent fixer une date pour un vote, y compris le plus indépendantiste, Naleraq.

Pourquoi Trump s’intéresse-t-il au Groenland ?

Le Groenland occupe une place stratégique croissante sur la scène mondiale, notamment en raison des investissements chinois dans les mines et infrastructures, qui préoccupent les États-Unis.

Le Groenland est particulièrement important d'un point de vue américain pour trois raisons principales : la défense, le commerce et les minéraux critiques.

explique Jonathan Steenberg, économiste chez Coface pour l'Europe du Nord.

Défense

Le Groenland, bien que géographiquement nord-américain, se trouve à seulement 2 000 km du Maine et à la même distance de la Russie. Les États-Unis y maintiennent déjà une présence militaire avec la base spatiale de Pituffik, utilisée principalement pour la surveillance et l’alerte.

Commerce

Le réchauffement climatique pourrait ouvrir de nouvelles routes maritimes dans l’Arctique, réduisant jusqu’à un tiers le temps de transport entre l’Asie et l’Europe. Cette évolution renforcerait le poids géopolitique du Groenland, qui contrôlerait alors l’accès à ces eaux stratégiques.

Minéraux rares et ressources naturelles

Le Groenland abrite 25 des 34 minéraux essentiels répertoriés par la Commission européenne. Cependant, l’exploitation de ces ressources reste limitée en raison des coûts élevés liés aux conditions climatiques extrêmes. Des restrictions internes freinent également cette exploitation : en 2021, une loi a interdit l’exploration pétrolière et gazière, ainsi que l’extraction d’uranium.

En décembre 2024, Donald Trump a réitéré sa proposition d’acquérir le Groenland, affirmant que sa possession était « une absolue nécessité » pour la sécurité nationale des États-Unis. En janvier 2025, il a refusé d’exclure l’usage de la force économique ou militaire pour prendre le contrôle de l’île, accentuant les tensions avec le Danemark et l’UE.

Si un vote en faveur de l’indépendance devait avoir lieu dans la prochaine décennie, la question du futur partenaire stratégique du Groenland se poserait. Avec une population limitée, le pays aurait sans doute besoin d’un nouvel appui, que ce soit dans le cadre d’un accord avec le Danemark ou avec d’autres puissances comme les États-Unis ou la Chine.

 

[1] Massivt flertal for selvstændighed

[1] Redaktør: Grønlændere vil ikke ofre levestandard for selvstændighed | Indland | DR

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