Alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane de 25% au Mexique et au Canada, l'incertitude plane sur l'économie nord-américaine. Cette situation rappelle les tensions de son premier mandat, mais s'inscrit dans un contexte géopolitique renouvelé.
Le Mexique, sous la présidence de Claudia Sheinbaum, semble mieux armé pour négocier. Son rôle stratégique dans la gestion de l'immigration et du trafic de drogue lui confère un levier important. De plus, malgré leurs différences apparentes, le trumpisme et le morenismo partagent certaines caractéristiques : une vision d'un pouvoir exécutif fort, une critique des élites traditionnelles et une priorité donnée aux intérêts nationaux.
Les relations avec le Canada apparaissent plus tendues. Les divergences idéologiques profondes, notamment sur les questions de diversité, d'équité et d'inclusion (DE&I), compliquent le dialogue. L'éventuelle arrivée au pouvoir de Pierre Poilievre et du Parti conservateur pourrait cependant modifier la donne dans les prochains mois.
Analyse sectorielle des impacts potentiels
Pétrole et gaz
L'interdépendance énergétique entre les États-Unis et le Canada demeure un facteur crucial. Le Canada fournit environ 50% des importations américaines de combustibles fossiles, s'appuyant sur un réseau intégré de pipelines comme Keystone et les systèmes Enbridge. Les raffineries américaines, spécialement conçues pour traiter le pétrole lourd canadien, rendent toute diversification complexe et coûteuse. Une réorientation vers les pays de l'OPEP augmenterait significativement les risques géopolitiques pour les États-Unis.
Secteur automobile
L'industrie automobile illustre parfaitement l'intégration économique nord-américaine. Avec des importations représentant 15% du total des importations automobiles américaines, le Canada est un acteur majeur du secteur. La chaîne de production est profondément intégrée, les pièces traversant plusieurs fois la frontière durant le processus de fabrication. Le pays dispose également d'atouts stratégiques pour l'avenir du secteur, notamment des ressources essentielles pour les véhicules électriques comme le lithium, le nickel et le cobalt.
Secteurs vulnérables
Certains secteurs semblent plus exposés aux mesures protectionnistes. L'agroalimentaire, en particulier le marché des produits laitiers, reste un point de tension historique. Les secteurs de l'acier et de l'aluminium, déjà ciblés lors du premier mandat Trump, pourraient à nouveau faire l'objet de restrictions. Ces domaines revêtent une importance symbolique forte dans la politique "Buy American" promue par l'administration Trump.
Scénarios et impacts économiques
Le scénario le plus probable privilégie une approche différenciée :
- Droits de douane élevés (jusqu'à 25%) sur les secteurs sensibles comme l'acier et l'aluminium
- Tarifs modérés sur les secteurs secondaires
- Exemptions pour les industries stratégiques
- Impact estimé sur le PIB canadien : -2 à -3%
Un scénario plus sévère, bien que moins probable, verrait l'application généralisée de droits de 25%. Cette approche pourrait être motivée par la volonté d'envoyer un message fort aux autres partenaires commerciaux, notamment la Chine et l'Union européenne. Dans ce cas, l'impact sur l'économie canadienne pourrait atteindre -4 à -6% du PIB.
Perspectives et résolution potentielle
La résolution de cette crise pourrait attendre deux événements majeurs : les élections canadiennes et la renégociation de l'USMCA. Les concessions attendues par Washington porteraient probablement sur des règles d'origine plus strictes pour réduire la dépendance à la Chine, l'engagement à ne pas appliquer de droits de rétorsion et une coopération renforcée sur les chaînes d'approvisionnement stratégiques.
Face à ces incertitudes, les entreprises canadiennes doivent développer des stratégies adaptatives, notamment en diversifiant leurs marchés et en renforçant leur résilience face aux chocs commerciaux. La capacité d'anticipation et d'adaptation sera cruciale dans les mois à venir.