Croissance modérée, stimulée par la consommation privée et l’investissement public
En 2023, la croissance fut anémique en raison de la faiblesse de la consommation privée, pénalisée par la hausse des prix surpassant la croissance des salaires nominaux. En 2024, la désinflation permettra aux salaires réels de croître et les ménages retrouveront progressivement du pouvoir d’achat. Par ailleurs, si l’investissement privé sera toujours partiellement entravé par les conditions serrées de crédit, les fonds européens continueront toutefois de stimuler la FBCF, privée et publique. Dans le cadre du Plan de Reprise et de Résilience adopté en 2021, la Slovaquie bénéficiera, jusqu’en 2026, de 6,4 milliards d’euros, pour soutenir la transition climatique et numérique. Les fonds déboursés au titre du PRR en 2024 devraient s’élever à environ 2,4 milliards d’euros, soit un peu moins de 2% du PIB. En conséquence, la demande domestique rebondira et contribuera à la croissance. Cependant, la reprise économique sera graduelle, car les exportations, qui se sont améliorées fin 2023, grâce à l’assouplissement des chaînes d’approvisionnement, resteront soumises à la demande européenne. L’économie des principaux partenaires commerciaux (Allemagne, République Tchèque, Pologne, Hongrie) restera peu vaillante, pesant sur leur demande de produits slovaques. De plus, l’automobile, principal poste d’exportation, restera pénalisée par les coûts élevés des intrants et des commandes en berne.
Des déficits jumeaux importants, financés par l’Europe
En 2023, les finances publiques se sont dégradées avec le versement additionnel de prestations sociales (pensions, allocations familiales), les hausses des salaires publics et le déploiement d’aides pour limiter les prix du gaz à un niveau inférieur à celui du marché international. L’effet de l’inflation sur les dépenses continuera de se faire sentir en 2024, alors que certaines prestations sociales, comme les retraites, continueront d’augmenter, tout comme les dépenses de santé. Par ailleurs, la défense restera dans le radar de la politique gouvernementale, bien que le nouveau Premier Ministre Robert Fico ait annoncé la fin de l’aide militaire versée à l’Ukraine. La réduction progressive des mesures temporaires de soutien énergétique et quelques minces réformes d’imposition viendront stabiliser le déficit, telles les augmentations de l’imposition des bénéfices bancaires et des taxes sur le sucre et le tabac. Cette année encore, le déficit sera en partie financé par l’absorption des fonds européen. La faiblesse de la croissance économique, conjuguée à un fort déficit, fera croître la dette publique, dont le ratio se situera à la limite de la norme de la zone euro, établie à 60% du PIB.
La large baisse des importations induite par l’atonie de la consommation des ménages, a permis de réduire drastiquement le déficit courant en 2023, mais cela ne sera plus le cas en 2024. Cependant, le rebond des exportations, entamé en fin d’année, se prolongera, à mesure que la demande extérieure s’améliorera. Toutefois, cela sera progressif, puisque les perspectives de croissance chez les partenaires resteront modestes, en tout cas en début d’année. Les importations rebondiront davantage en raison de la reprise de la consommation et des investissements publics, comme dans les infrastructures énergétiques, ce qui creusera le déficit courant.
Victoire populiste et Premier ministre pro-russe
C’est dans un pays marqué par l’instabilité gouvernementale, et à la suite d’une campagne rythmée par la désinformation, que la nouvelle coalition tripartite a pris le pouvoir en octobre 2023. Celle-ci dispose d’une courte majorité, de 79 sièges sur 150 au Parlement, et rassemble trois partis : le nationaliste de gauche Smer-SD (42 sièges) du Premier ministre Fico est accompagné du parti de gauche Hlas-SD (27 sièges) et de l’ultranationaliste d’extrême droite SNS (10 sièges). Robert Fico retrouve ainsi la tête du pays, après déjà trois mandats effectués depuis 2006. Pro-russe et en proie au populisme, il a construit sa campagne électorale autour d’un discours anti-migrants, alors que plus de 100 000 Ukrainiens ont trouvé refuge en Slovaquie, et sur la promesse de mettre un terme à l’envoi d’aide militaire en direction de Kiev. Par ailleurs, il risque d’entraver la lutte contre la corruption à travers un plan de réformes, dont l’annonce a déjà suscité des protestations en décembre 2023. Le projet inclut la suppression du procureur spécial chargé d’enquêter sur le crime organisé, la réduction des peines de prison pour les actes de corruption et des restrictions concernant le statut de lanceurs d’alerte. En 2018, Robert Fico avait été contraint de démissionner face à la pression populaire, à la suite de l’assassinat du journaliste d’investigation, Jan Kuciak, qui avait révélé les liens du gouvernement avec la mafia italienne. L’actuelle Présidente sociale-libérale, Zuzana Caputova, sera remplacée lors de l’élection d’avril 2024. Si le rôle présidentiel ne confère qu’un pouvoir limité, il assure tout de même un contre-poids au gouvernement, notamment via l’utilisation du droit de veto. La coalition populiste nationaliste tentera d’aligner ses politiques sur celles de son voisin hongrois, mais l’opposition aux mesures européennes devrait être timide, puisque le pays dépend grandement des fonds de l’UE. Par ailleurs, la Slovaquie continuera de disposer d’une dérogation de l’Union Européenne lui permettant de se fournir en pétrole russe. En effet, le pays ne dispose pas de raffineries adaptées au pétrole brut du Moyen-Orient et dépend de la Russie, à laquelle il est relié via un oléoduc. En décembre 2023, la Slovaquie a obtenu une prolongation d’un an, qui lui permet aussi d’exporter des carburants produits à partir de pétrole russe en direction de la République Tchèque.